La même technologie que celle utilisée depuis des décennies par les stations de ski dans les pays développés pour fabriquer de la neige a été adoptée en Afrique subsaharienne, mais dans un but bien différent : celui de maintenir les cultures et la population en vie.
« Une demi-heure après, il pleut là où nous le voulons», a résumé Daouda Zan, ingénieur au service météorologique du Mali. La précipitation artificielle, ou ensemencement des nuages, est utilisée partout dans le monde depuis plus d’un demi-siècle.
Mais ces trois dernières années, des météorologues maliens ont localisé des nuages dans les régions les plus sèches et les ont ensemencés. La neige ainsi fabriquée fond et se transforme en pluie.
Mamadou Adama Diallo, coordonnateur du programme de pluies provoquées, a dit à IRIN que le gouvernement cherchait, depuis plusieurs dizaines d’années, une solution face à l’imprévisibilité croissante des précipitations, qu’il associe au changement climatique.
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) seuls quatre pour cent des terres du pays sont irrigables. D’après le service météorologique national, le manque de précipitations est particulièrement critique dans les régions de Segou, Mopti et Koulikoro, au centre du pays. Une enquête publique a révélé, en 2006, que dans ces zones, au moins treize pour cent des enfants âgés de moins de six ans montraient des signes de malnutrition aiguë.
Problème
La moyenne des précipitations a diminué de 20 pour cent au Mali depuis les sécheresses des années 70. « La sécheresse augmente, la nappe phréatique diminue et le débit des grands fleuves connaît une baisse de 50 pour cent », a indiqué Sidi Konaté, technicien au ministère de l’Environnement.
Les saisons des pluies de plus en plus courtes troublent les agriculteurs. « Le démarrage et la fin de la saison humide sont devenus imprévisibles et les paysans ne savent plus quand semer », a commenté Sidi Konaté.
Ces changements ont semé la confusion parmi les agriculteurs, les pêcheurs et les éleveurs. « Le delta intérieur du Niger connaît une perte annuelle d’eau de trois milliards de mètres cubes et l’ensablement et la désertification affectent les habitations, les terres agricoles et les voies de communication ».
Des pluies d’un million de dollars
Avec l’aide de conseillers américains, le gouvernement a organisé 332 vols d’ensemencement depuis 2007 et alloué 32,5 millions de dollars de fonds propres au programme de pluies provoquées, entre 2006 et 2010, a dit à IRIN le ministre des Finances, Sanoussi Touré.
Interrogé sur la possibilité de continuer ce projet de contrôle du climat qui coûte plusieurs millions de dollars, le coordonnateur du programme, M. Diallo, a dit que les coûts de lancement d’un projet étaient généralement plus élevés au cours des trois premières années. « Après, les dépenses récurrentes se limitent essentiellement au fonctionnement et au renforcement des capacités du personnel en vue de l’appropriation des techniques ».
Un dérèglement de la nature ?
Pour les sceptiques des pluies provoquées, les produits chimiques ou les bactéries glaçogènes pulvérisés dans les nuages pourraient nuire à l’environnement. Mais M. Diallo a dit à IRIN qu’ils utilisaient du sel de table pour provoquer la condensation et les précipitations, ce qui n’avait engendré aucun dommage sur les deux dernières récoltes.
Là où le service météorologique avait provoqué des pluies en 2007, les récoltes avaient bénéficié de saisons de croissance plus longues et d’une moyenne de 18 pour cent de précipitations en plus par rapport à l’année précédente. L’année 2008 a connu une augmentation des précipitations similaire.
Les saisons de croissance dans les régions Kayes, Mopti et Koulikoro ont été nettement plus longues. « Ces pluies provoquées ont permis aux paysans de semer plutôt et de continuer la saison plus tard que d’habitude», a expliqué M. Diallo à IRIN.
L’augmentation des précipitations dans ces régions a conduit à un accroissement de 50 pour cent des récoltes de millet, de sorgho, d’arachide et de coton, a indiqué à IRIN le ministre de l’Agriculture, Agatham Ag Alhassane. « Les pluies provoquées qui…relevaient du rêve sont donc devenues une réalité. Nos compatriotes qui suivent le bulletin météo de la télévision nationale constatent avec joie la réussite de ces opérations ».
Certains sont peut-être ravis, mais ils n’attribuent pas cet exploit aux ingénieurs-météorologues. Bamoussa Diarra, agriculteur de 77 ans vivant à Segou, à 220 km au nord-est de la capitale, Bamako, a dit à IRIN:« Depuis que je suis né, je n’ai fait que de l’agriculture. Jamais de la vie, je n’ai entendu de telles sottises. Ce n’est pas vrai. La pluie, c’est Dieu qui la donne, pas les hommes. Depuis quand, des hommes sont-ils devenus Dieu? »
Amadé Guindo, producteur de céréales du centre du Mali, est du même avis : « Il faut être fou pour croire que les hommes peuvent provoquer de la pluie ».