Saluons ces sentinelles de la démocratie qui se lèvent courageusement aux quatre coins de l’Europe pour confronter une nouvelle arme de destruction massive qui atteint un tel degré de sophistication et de scélératesse qu’elle se présente sous les dehors apparemment anodins d’un simple vêtement : la burqa.
Disons-le sans ambage : la burqa n’est pas exactement notre tasse de thé. Il y a, en effet, dans cette tunique une dimension de refus, voire d’agressivité, qui n’excite guère la sympathie.
Pour autant, d’un point de vue juridique et moral, les velléités d’interdiction généralisée de la burqa sont inacceptables et doivent être écartées avec fermeté.
Rien dans notre droit commun ne permet d’interdire le port d’un vêtement dont il est impossible de soutenir sérieusement qu’il constituerait une menace imminente pour autrui. Cette interdiction devrait, par conséquent, passer par l’entrée d’un nouvel article dans le Code pénal, qui prohiberait spécifiquement, non pas la burqa en tant que telle, ce qui serait juridiquement inepte, mais le fait général de se masquer ou dissimuler le visage (en prévoyant une exception : le Carnaval, ce qui montre de suite le sérieux de toute l’affaire).
Toutefois, comme vient de le relever le Conseil d’Etat français, à supposer qu’elle passe le test des juridictions constitutionnelles nationales, une telle initiative n’aurait aucune chance d’être validée par la Cour européenne des droits de l’homme, que l’on a précisément instituée, en 1959, pour sauvegarder les libertés fondamentales, y compris dans le domaine vestimentaire.
D’un point de vue juridique et moral, la burqa ne peut être interdite
D’un point de vue moral, rien non plus, dans la profusion de considérations sur ce dont la burqa serait le symbole, ne permet de conclure rationnellement que ce vêtement serait toujours, et partout, le reflet de la négation de nos valeurs fondamentales (et quand même ce serait le cas, tant que la négation ne s’actualise pas, elle reste, comme on sait depuis Aristote, hors le champ du droit). Qu’une adolescente de 16 ans en révolte « contre la société » porte la burqa, c’est son droit. Qu’une femme refuse de dévoiler ne serait-ce que son visage, c’est également son droit (sauf les exceptions de sécurité, etc. sur lesquelles il faut se montrer intraitable). Qu’un musulman aux abois qui observe en se convulsant l’occidentalisation accélérée de sa famille parvienne tout de même à obtenir de son épouse – ses filles lui ayant définitivement échappé – qu’elle porte cette burqa, cela les regarde.
D’ailleurs, soyons cohérents. Quid des punks (not dead), destroy, grunge ? Des gothiques sado-maso ? Vomissent-ils moins la société, sont-ils plus agréables au regard, que les femmes en burqa ? Quid des lunettes solaires format extra-large que certain(e)s poussent le refus de fraternité (E. Badinter) jusqu’à porter quand il n’y a pas de soleil ?
Le philosophe Corentin de Salle, qui approuve cette démarche d’interdiction, propose une ligne d’argumentation plus pénétrante, à la fois juridique et philosophique, en excipant de ce que l’ordre public commande l’interdiction de la burqa, ce principe juridique n’étant, en la circonstance, que le reflet d’un principe philosophique plus fondamental, le principe de reconnaissance. L’argument se heurte toutefois à trois objections : d’une part, les refus (volontaires ou non) de reconnaissance d’autrui sont, et ont toujours été, légions dans nos sociétés modernes ; d’autre part, c’est un droit élémentaire que de limiter le périmètre de ses fréquentations ; enfin, fonder une règle de droit sur un état d’esprit supposé « prouvé » par un vêtement paraît, pour le moins, téméraire.
En l’état, ce débat, qui n’est pas illégitime dans son principe, tant ce vêtement choque nos consciences, semble pourvoir essentiellement au service médiatique de politiques ontologiquement en quête de publicité, ainsi qu’à donner un corps présentable aux réactions épidermiques d’animosité que suscitent, chez certains, la culture islamique.
De manière plus générale, l’évolution démographique de l’Europe étant ce qu’elle est, il faut accepter certaines manifestations vénielles de la culture islamique au sens large; ou renoncer à la démocratie.
Drieu Godefridi est essayiste, auteur récemment de Le droit public (2009), Arbitraire et droit dans l’Athènes antique (Folia Electronica Classica, 2010) et de Le GIEC est mort, vive la science !, à paraître (2010). |
Une article publié en collaboration avec Un Monde Libre