Il y a six ans encore, Eugenia Uwamahoro devait parcourir chaque jour 2 kilomètres jusqu’à une rivière pour se procurer de l’eau pour boire, faire la cuisine et la lessive et abreuver quatre vaches. Il y avait une pompe dans son village de Nyakabingo au Rwanda, mais elle fonctionnait mal. Le Gouvernement, avec le soutien de l’UNICEF, a réparé la pompe et le village a engagé un gérant pour son entretien.
“Ça a rendu ma vie plus facile, déclare à Afrique Renouveau Mme Uwamahoro. Maintenant nous pouvons nous reposer.” La pompe lui épargne temps et efforts et lui fournit l’eau nécessaire à un prix plus bas que les porteurs d’eau villageois. Ceux qui ne peuvent pas payer pour l’utilisation de la pompe obtiennent gratuitement une quantité d’eau déterminée.
En dépit de l’abondance de l’eau sur le continent, la plupart des Africains n’ont pas cette chance. En Afrique, la moitié des foyers ruraux n’ont pas d’eau potable. La situation est meilleure dans les zones urbaines, où 80 % de la population bénéficient d’un approvisionnement en eau. Cependant, d’après l’Organisation mondiale de la santé et l’UNICEF, plus de la moitié n’ont pas de robinet dans leur maison ou leur cour,
Les dirigeants africains ont promis d’assurer un accès universel à l’eau potable dans le cadre de leur plan de développement du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD). Mais le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) estime les sommes actuellement consacrées à l’eau et à l’assainissement en Afrique subsaharienne à environ 800 millions de dollars par an; bien inférieur à ce qui est nécessaire. Faire payer l’eau aux usagers, introduire le secteur privé et/ou réformer les sociétés publiques de distribution d’eau et étendre leurs services pourrait procurer des ressources supplémentaires. Mais toutes ces solutions présentent des difficultés sur un continent où nombreux sont ceux qui n’ont pas les moyens de payer l’eau fournie par des sociétés privées et où les gouvernements manquent des ressources financières et du savoir-faire nécessaires pour rendre l’eau accessible et suffisamment bon marché. Le PNUD estimait en 2006 qu’élargir l’accès à l’eau demanderait une combinaison d’initiatives du secteur public et du secteur privé et qu’“il convient de définir au cas par cas l’équilibre adéquat entre public et privé, en fonction des valeurs et des circonstances locales”.
Approches contrastées
Les approches différentes du Kenya et du Ghana illustrent certains des problèmes posés. Le Kenya a adopté en 1999 une politique qui a amélioré de la qualité de l’eau du système de distribution public du pays, renforcé la perception des redevances et multiplié les forages de puits dans les zones rurales. Une loi sur l’eau de 2002 a décentralisé la gestion des ressources hydrauliques et leur distribution. Les sociétés publiques locales formées pour gérer l’eau dans les municipalités ont largement atteint leurs objectifs d’augmenter de 50 % le nombre de clients bénéficiant d’une eau de meilleure qualité et de réduire les pertes d’eau de plus de 40 %, sans hausse des tarifs. L’accès à l’eau potable reste difficile dans certaines des communautés les plus pauvres, mais les réformes du secteur public ont eu un effet positif.
Certaines sociétés publiques de distribution d’eau “sont dirigées efficacement par des structures de gestion locales”, note Stephen Donkor, Conseiller principal pour les questions de l’eau à la Commission économique pour l’Afrique (CEA) des Nations Unies à Addis-Abeba. Leurs bons résultats, démentent l’image négative que certains ont des sociétés de service public africaines, intrinsèquement inefficaces et qui ne pourraient être améliorées que par leur vente ou leur cession au secteur privé.
Par contraste, le Ghana a essayé de répondre à ses besoins en faisant appel au secteur privé. La société de distribution publique Ghana Water Company, Ltd. (GWCL) fournissait auparavant de l’eau à environ la moitié des 20 millions d’habitants du pays, mais n’avait pas les ressources nécessaires pour procéder à des réparations importantes ou étendre le réseau. Ruby Amable, habitante d’un quartier à revenus moyens de la capitale, est un des nombreux clients qui ont alors été privés de service. L’approvisionnement fourni par son raccordement a progressivement diminué avant de cesser complètement. Elle n’a alors eu d’autre solution que d’en acheter aux propriétaires de camions-citernes privés — dépensant mensuellement l’équivalent de 50 dollars pour remplir la citerne de sa maison.
A la demande de la Banque mondiale, le gouvernement a restructuré GWCL, augmenté ses tarifs de plus de 90 %, et annulé 100 millions de dollars de dettes dues par la compagnie. En 2005, le gouvernement a obtenu une subvention de 103 millions de dollars de la Banque mondiale pour investir dans GWCL et a introduit une société privée, Aqua Vitens Rand, Ltd. (AVRL) pour la gérer. Il a également fixé pour objectif de raccorder 50 000 nouveaux foyers au réseau et d’installer 350 bornes-fontaines publiques dans les principales villes du Ghana.
Deux ans plus tard, de nombreux clients n’ont toujours pas d’eau. Le gouvernement attribue cette situation à la crise énergétique du Ghana, les dirigeants d’AVRL, eux, blâment le gouvernement de n’avoir pas procédé aux investissements nécessaires. Les détracteurs ghanéens d’AVRL remettent cependant en question l’idée d’introduire une équipe dirigeante de l’extérieur. Steve Manteaw, membre de la direction de la Coalition nationale ghanéenne contre la privatisation de l’eau, a expliqué à Afrique Renouveau que “le problème du réseau de distribution d’eau du Ghana n’est pas vraiment une question de gestion, mais plutôt d’investissement. Les conduites sont âgées et il y a un besoin d’investissements massifs”.
En fait selon le PNUD, “le défi pour tous les prestataires, tant publics que privés, consiste à élargir l’accès à l’eau et à surmonter les handicaps tarifaires auxquels se heurtent les populations pauvres”, les centaines de millions d’Africains défavorisés. Les experts s’accordent à dire que cela exigera des investissements en capital financier et humain pour pouvoir gérer le compromis entre un accès élargi et les coûts impliqués tout en continuant à assurer l’approvisionnement en eau.
Par Efam Dovi, pour ONU Afrique Renouveau