Nocky Djedanoum a lancé, le 22 juin, à Paris, « Voix africaines, Voix Universelles ». Le projet de l’écrivain tchadien vise à conduire des artistes africains dans l’Est du Tchad, à la frontière de la province soudanaise en guerre du Darfour. Objectif : faire que l’Afrique s’exprime enfin sur cette tragédie qui a fait quelque 200 000 morts en quatre ans.
L’écrivain tchadien Nocky Djedanoum n’a pas attendu la conférence internationale de Paris pour soumettre aux médias son projet « Voix africaines, Voix universelles », lors d’une conférence de presse tenue le 22 juin à la Maison de la Radio. C’est un véritable appel qu’il lance aux artistes, écrivains et chercheurs prêts à se rendre au Darfour pour effectuer un travail de terrain. Le même jour, l’intellectuel s’exprimait sur les ondes de RFI. Depuis plus d’un an, il mûrit « Voix africaines, Voix universelles » et a passé tout le mois de février au Tchad. Journaliste de formation et directeur de Fest’africa (Festival de la littérature et des arts africains), Nocky Djedanoum avait initié en 1998 le projet « Rwanda, Ecrire par devoir de mémoire », emmenant avec lui dix écrivains, dont le Sénégalais Boubacar Boris Diop, la Burkinabè Monique Ilboudo ou encore le Guinéen Tierno Menenêmbo afin de produire des textes sur le génocide rwandais.
Aujourd’hui Nocky Djedanoum appelle les africains à s’exprimer sur le Darfour, car il s’interroge sur le silence de la communauté. Une question qui fait sens, après la réunion politique de l’Elysée où Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires Etrangères, déclarait en compagnie de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleeza Rice et de Ban Ki Moon, secrétaire général des Nations Unies, que les discussions devaient continuer, même sans la présence de l’Union Africaine. Et si le président français, Nicolas Sarkozy, a déclaré : « le silence tue ! », que disent les africains sur la question du Darfour ?
On ne peut plus continuer à garder le silence !
En compagnie du pasteur Jean-Marie Gazoumba, président de l’association Le Bon Samaritain, qui accueille des réfugiés darfouri dans le Nord Pas-de-Calais, Nocky Djedanoum a rassemblé journalistes et écrivains dont le Togolais Samy Tchak, le Sénégalais Babacar Sall ou encore Kidi Bebey, animatrice de l’émission « Reines d’Afrique » sur RFI, tous présents le 22 juin. La réunion s’est transformée en groupe de réflexion sur la question du Darfour. En effet, comme pour le Rwanda en 1998, Nocky Djedanoum souhaite aller sur le terrain, précisément dans les camps de l’est du Tchad, une zone frontalière de la région du Darfour, où se perpétuent les massacres contre les populations noires dans l’indifférence du régime de Khartoum.
Si la réalité du terrain fait peur ou demeure complexe en raison du jeu des rebelles soudanais et face à l’implication de la Chine, importateur du pétrole du Darfour, cela n’effraie en rien Nocky Djedanoum qui désire véritablement entreprendre un travail de mémoire auprès des réfugiés, recueillir leurs témoignages, le maximum d’informations sur leurs histoires, car ajoute t-il : « Il faut produire du sens avec ce qui se passe au Darfour. On ne peut plus continuer à garder le silence ! A l’heure où il y a eu plus de 200 000 morts et plus de 2,5 millions de réfugiés, il est impossible de rester inactif ! Jusqu’ici, ce sont les autres qui se sont exprimés sur le Darfour ».
A titre d’exemple, Nocky Djedanoum cite l’intellectuel français Bernard Henry Levy et l’humanitaire Rony Braumann, ancien président de Médecins sans frontières, tout en soulignant le silence trop lourd des voix africaines. Alors, chercheurs, sociologues, historiens, cinéastes sont appelés à témoigner. Tous doivent se mobiliser, car il semble qu’au niveau politique les discours officiels ont la primeur sur l’action. Et à ce propos, quel serait véritablement le champ d’intervention de l’Union Africaine au Darfour ? Comment interpeller Alpha Oumar Konaré, président de la commission de l’Union ? Comment intervenir en tant qu’artiste sur la résolution de conflits de ce type ? Autant de questions auxquelles l’écrivain tchadien cherche des réponses précises. Mais il entend prendre le taureau par les cornes en entraînant avec lui tous ceux qui de loin ou de près, se sentent concernés par la question du Darfour.
Des photos et des concerts pour financer le projet
Reste le problème du financement de « Voix africaines, voix universelles ». Lorsque la question lui est posée, Nocky Djedanoum lance un appel aux dirigeants africains. « L’état tchadien doit mettre les moyens ! » affirme t-il. La production d’un ouvrage collectif de photographies est également envisagée pour financer les déplacements des écrivains et artistes mobilisés et des concerts sont prévus pour récolter les fonds nécessaires. Lokua Kanza, Sally Nyolo, Rokia Traoré ou encore Wasis Diop ont déjà dit oui.
D’ores et déjà, un premier rendez-vous est fixé : la prochaine édition de Fest’Africa qui se tiendra en octobre à Lille. Ensuite, Nocky Djedanoum espère emmener une équipe en novembre dans les camps de l’est du Tchad (où se trouvent près de 150 000 déplacés tchadiens, darfouris et des populations d’origine zaghawas, l’ethnie du président tchadien). Une étape au sud du pays est programmée : dans cette zone, on trouve aussi des réfugiés à la frontière du Darfour avec la Centrafrique. Enfin, en décembre se tiendra la biennale de « Fest’Africa sous les étoiles » à Ndjamena, capitale du Tchad.
Si le projet « Voix africaines, voix universelles » revêt un caractère engagé pour ceux qui s’y participeront, le soutien des médias et des partenaires économiques reste primordial pour mener à bien cette mission.
Pour contacter Nocky Djedanoum : nockyd@yahoo.fr