La situation se dégrade au Darfour : c’est ce qu’ont déclaré mardi plusieurs hauts responsables des Nations Unies devant le Conseil de Sécurité. Alors que le bilan des morts lié au conflit s’établit à environ 300 000, le déploiement total de la force hybride ONU-Union Africaine pour le maintien de la paix a été reporté à 2009.
Le déploiement total de la Minuad (ou Unamid), Mission des Nations Unies et de l’Union Africaine (UA) au Darfour, se fait attendre. « Il est peu probable que la mission parvienne à être opérationnelle d’ici 2009 », a déclaré Rodolphe Adada, représentant spécial de l’Onu et de l’UA pour le Darfour mardi devant le Conseil de Sécurité. Créée en juillet 2007 sur décision du Conseil de Sécurité, la Minuad devait remplacer depuis janvier dernier les seules forces de l’UA dans l’objectif de mieux protéger les populations du Darfour, province de l’ouest soudanais ravagée par un conflit qui dure depuis 2003. Pour le moment, seuls 9 000 soldats ont été déployés sur un total de 26 000. « Nous essayons d’accélérer les choses mais nous rencontrons de nombreux obstacles », a ajouté M. Adada.
Un nouvel appel a donc été lancé à la communauté internationale qui doit redoubler d’efforts pour aider la force hybride à surmonter les impasses logistiques et surtout politiques auxquelles elle fait face. Dans un rapport rendu public mercredi, Ban Ki-Moon accuse Khartoum comme les rebelles de manquer de volonté politique dans la résolution du conflit. D’un côté, le président soudanais Omar El-Béchir accepte mal l’arrivée de troupes étrangères dans son pays, malgré ses déclarations faites en juin dernier. Il réclame que toutes les forces dont dispose l’Afrique soient épuisées avant d’accepter l’arrivée de non-Africains. D’autre part, les principales factions rebelles ont jusque là boycotté les dernières négociations de paix.
Aucune solution politique n’est en vue pour résoudre le conflit qui aurait fait jusque là près de 300 000 morts, selon John Holmes, secrétaire général adjoint de l’ONU pour les affaires humanitaires. Sans compter les quelque 2,5 millions de réfugiés soudanais.
La controverse des chiffres
Jusqu’à présent, les organisations internationales estimaient le nombre de morts à 200 000 sur la base d’une étude parue en 2006 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ce chiffre prend en compte les victimes directes du conflit mais également celles de la famine, des maladies et de la réduction de l’espérance de vie. « Ce chiffre doit être plus élevé maintenant, peut-être de 50% », a déclaré John Holmes mardi devant le Conseil de sécurité. Mais peu après, John Holmes est revenu sur ces chiffres devant la presse en expliquant qu’il ne cherchait pas forcément à donner « un chiffre exact ». C’est à partir de sondages réalisés auprès de quelques centaines de foyers, qui disent combien de personnes sont décédées dans leur famille, qu’a été obtenu ce fameux chiffre. Les résultats sont plus ou moins bien extrapolés à l’ensemble de la population.
Khartoum, par la voix de son ambassadeur aux Nations Unies, Abdalmahmoud Abdalhaleem, a immédiatement réagi, affirmant que le chiffre avancé est « grossièrement exagéré ». Il estime pour sa part que le conflit a fait 10 000 morts au plus. Le Soudan a par ailleurs commencé dès mardi un recensement de sa population : le premier en 15 ans. Une étape cruciale pour définir le partage des richesses et du pouvoir politique. Le comptage s’étalera sur deux semaines compte tenu de la superficie du pays (le Soudan est le plus grand Etat africain). Sous contrôle du gouvernement, le recensement pourrait ainsi infirmer l’annonce faite par John Holmes. Le Sud et les rebelles de l’Ouest du Darfour accusent d’ores et déjà le Nord à majorité arabe de vouloir manipuler les résultats du recensement pour mieux contrôler le pays. La situation reste toujours aussi instable et ne va pas en s’améliorant compte tenu des derniers rapports.
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