Darfour : la justice internationale face au drame d’une guerre sans fin


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Le procureur de la CPI, Karim AA Khan KC, informe le Conseil de sécurité de l'ONU à New York sur la situation au Darfour, au Soudan, le 27 janvier 2025 Photo ONU Loey Felipe
Le procureur de la CPI, Karim AA Khan KC, informe le Conseil de sécurité de l'ONU à New York sur la situation au Darfour, au Soudan, le 27 janvier 2025 Photo ONU Loey Felipe

Alors qu’une délégation d’experts du Conseil de sécurité de l’ONU vient d’arriver à Port-Soudan, le procureur de la CPI dresse un bilan accablant de la situation au Darfour. Vingt ans après le premier renvoi à la Cour pénale internationale, la région reste prisonnière d’un cycle de violence qui semble sans fin.

Le 27 janvier 2025, dans l’enceinte des Nations Unies à New York, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim AA Khan KC, a livré un réquisitoire glaçant sur la situation au Darfour. Son quarantième rapport révèle une région toujours en proie à des violences systématiques, où les crimes de guerre se perpétuent dans une impunité quasi totale.

Une spirale de violence ininterrompue

e procureur Karim AA Khan KC présente le 40e rapport de la CPI sur la situation au Darfour, au Soudan, au Conseil de sécurité de l'ONU photo ONU Loey Felipe
e procureur Karim AA Khan KC présente le 40e rapport de la CPI sur la situation au Darfour, au Soudan, au Conseil de sécurité de l’ONU photo ONU Loey Felipe

« Les six derniers mois reflètent une spirale descendante de souffrances et de misère », a déclaré Karim Khan devant le Conseil de sécurité. Son constat est sans appel : hôpitaux attaqués, violences sexuelles systématiques contre les femmes et les filles, enfants ciblés par des actes de barbarie. Le Darfour occidental cristallise particulièrement les inquiétudes, avec des preuves accablantes de crimes utilisés comme armes de guerre.

Plus troublant encore, le rapport souligne une continuité macabre : les auteurs des atrocités actuelles sont souvent les mêmes que ceux impliqués dans les violences de 2003. Un constat qui met en lumière l’échec de la communauté internationale à briser ce cycle infernal.

Une mobilisation internationale tardive mais concrète

Dans ce contexte dramatique, l’arrivée d’une délégation d’experts du Conseil de sécurité à Port-Soudan en novembre dernier marquait un tournant. Cette première visite depuis le début du conflit, il y a plus d’un an et demi, devait évaluer la situation sécuritaire sur le terrain et l’application de la résolution 1591 de 2005, qui impose des sanctions ciblées et un embargo sur les armes.

Malgré ce tableau sombre, des avancées significatives sont à noter dans la quête de justice. La CPI a renforcé ses capacités d’enquête en déployant des technologies avancées et en collaborant étroitement avec les autorités nationales. Les témoignages recueillis, notamment dans les camps de réfugiés au Tchad, permettent de préparer de nouveaux mandats d’arrêt.

Le procès d‘Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, alias Ali Kushayb, pour des crimes commis entre 2003 et 2004, représente un symbole d’espoir pour les victimes. Même tardive, cette procédure démontre que la justice peut finir par rattraper les responsables de crimes de masse.

Des défis majeurs à relever

Pourtant, les obstacles restent immenses. Les mandats d’arrêt contre l’ancien président Omar el-Béchir et d’autres hauts responsables demeurent inexécutés, illustrant les limites de la justice internationale face aux résistances politiques.

La situation humanitaire s’aggrave de jour en jour. Port-Soudan, devenue un refuge pour des milliers de déplacés, témoigne de l’ampleur de la crise. Les pays voisins, particulièrement le Tchad et l’Égypte, redoutent un afflux massif de réfugiés et une déstabilisation régionale.

Face à cette situation critique, Karim Khan a lancé un appel vibrant à la communauté internationale : « Pour l’amour de Dieu, respectez le droit international humanitaire ». Son intervention, prononcée lors de la Journée internationale de commémoration des victimes de l’Holocauste, rappelle l’importance de ne pas détourner le regard face aux crimes de masse.

Si la CPI et les Nations Unies multiplient les initiatives, seule une volonté politique forte de la communauté internationale pourra enfin briser ce cycle de violence. Le quarantième rapport de la CPI n’est pas qu’un simple constat : c’est un appel urgent à l’action pour que justice soit enfin rendue aux générations de Darfouris victimes de ce conflit sans fin.

Masque Africamaat
Spécialiste de l'actualité d'Afrique Centrale, mais pas uniquement ! Et ne dédaigne pas travailler sur la culture et l'histoire de temps en temps.
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