Des milliers de Soudanais ont défilé dans les rues de Khartoum mercredi. Une réaction hostile à l’ultimatum posé la semaine dernière par l’Onu, qui octroie un délai de 30 jours au gouvernement pour désarmer les milices Janjawid. De son côté, l’Union africaine se dit prête à renforcer ses effectifs présents au Darfour. Sur le terrain, la violence flambe.
Cent mille personnes dans les rues de Khartoum. Et des dizaines de banderoles. Leur message est clair : « Le Darfour sera le tombeau des Américains ». La foule de manifestants a crié mercredi son refus de voir un pied étranger se poser sur ses terres, à la vue des grandes puissances qui se pressent à ses portes. Fin juillet, la Grande-Bretagne avait annoncé l’envoi de 5 000 hommes, opération pour le moment sans suite. La communauté internationale parle tantôt de « crise humanitaire », tantôt de « génocide ». Les Soudanais accusent le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, Kofi Annan, d’avoir « trompé » l’opinion à ce sujet. Les manifestants ont remis un texte à l’émissaire de l’Onu, Jan Pronk, exigeant des excuses de la part de Kofi Annan. « Vos propos ont formé la base de la propagande occidentale, trompeuse et hostile à l’égard du Soudan », affirme le texte rédigé en arabe.
Autre bête noire des Soudanais : la résolution de l’Onu. Votée la semaine dernière, elle laisse au gouvernement de Khartoum 30 jours pour désarmer ses milices. Si ce n’est pas le cas, des sanctions économiques et diplomatiques pourront être prises. Khartoum affiche clairement son refus d’accueillir une intervention étrangère, même si aucun envoi de troupes occidentales armées n’est officiellement prévu pour le moment. Seule l’Union Africaine a annoncé qu’elle renforcerait ses effectifs sur le terrain.
L’UA veut renforcer sa présence
Multipliés par sept. L’Union africaine prévoit d’augmenter ses effectifs, en envoyant 2 000 hommes sur les terres soudanaises, au lieu des 300 prévus initialement. Deux milles hommes chargés de « maintenir la paix » en supervisant le cessez-le-feu conclu en avril dernier entre le gouvernement de Khartoum et les troupes rebelles (Mouvement pour la justice et l’égalité, MJE, et Mouvement de libération du Soudan, MLS). Réunis à Accra la semaine dernière pour un sommet régional, les dirigeants africains ont accepté la proposition de la Tanzanie et du Botswana de joindre un troisième bataillon aux deux autres déjà fournis par le Rwanda et le Nigeria. Kofi Annan maintient la pression à l’encontre du gouvernement soudanais et soutient publiquement l’action de l’UA. Mais rien n’est encore fait, puisque ce plan est désormais soumis à l’approbation des quinze membres du Conseil de sécurité et de paix de l’UA. Le Soudan ayant participé à l’élaboration du plan, l’introduction de ces 2 000 hommes sur ses terres ne devraient pas contrarier la population. La mission de « pacification » organisée par l’Union africaine devient urgente, les combats ayant repris de plus belle dans le Sud du Darfour.
Flambée de violence
Milices pro-gouvernementales contre mouvements rebelles. Depuis mardi soir, les deux camps s’affrontent entre Nyala et El-Fasher. « Environ 5 000 Janjawid ont attaqué nos deux mouvements », a déclaré à l’AFP le coordinateur général du MJE, Ahmat Toggo, ajoutant que ces combats avaient fait « des morts et des blessés du côté rebelle », sans donner plus de précision. Dans cette région pauvre en ressources, éleveurs à la recherche de terres (tribus d’origine arabe) et paysans protégeant leurs maigres biens (tribus d’origine africaine) se heurtent. Une guerre pour l’eau et l’espace. Le régime militaro-islamiste instauré en 1989 au Soudan encourage les tribus arabes belligérantes. Depuis, les exactions se multiplient au Darfour: pillages, attaques au petit matin, vols de troupeaux, villages brûlés… Une vague de rébellion contre le gouvernement s’est soulevée dans cette région du Nord-Ouest du pays. L’Onu compte déjà entre 30 000 et 50 000 morts, et 1,2 million de déplacés ou réfugiés.