La Cour pénale internationale a lancé deux mandats d’arrêts internationaux contre l’ancien responsable soudanais de la sécurité au Darfour, Ahmed Haroun, et l’un des principaux chefs des milices janjawids, Ali Kosheib, accusés de crimes de guerre. Elle dénonce de fait la collaboration entre le gouvernement soudanais et les milices qu’il a armées pour combattre les rebelles du Darfour.
« Depuis que les enfants des Fours (tribu du Darfour) sont devenus des rebelles, tous les Fours ainsi que leurs biens sont devenus du butin ». C’est ce qu’Ahmed Mohamed Haroun, l’ancien responsable de la sécurité au Darfour au sein du ministère soudanais de l’Intérieur, aurait déclaré lors d’un discours public en octobre 2003, après une attaque sur le village de Mukjar. Actuellement secrétaire d’Etat pour les Affaires humanitaires, il est rattrapé par la Cour pénale internationale (CPI). Celle-ci a émis à son encontre un mandat d’arrêt international pour crimes de guerre, le 27 avril, qui vient d’être rendu public. La CPI réclame également l’arrestation d’Ali Kosheib, considéré comme l’un des principaux chefs de milice au Darfour.
Luis Moreno Ocampo, le procureur argentin du tribunal de La Haye, devait présenter les preuves des accusations qu’il a formulées devant les juges en février dernier et selon lesquelles les deux hommes ont participé ou rendu possible les massacres, vols et viols de masse commis au Darfour. « Nous sommes allés au terme d’une enquête menée dans des circonstances très pénibles, opérant depuis l’extérieur du Darfour, sans jamais mettre en danger un seul de nos témoins. Nous avons fait de leurs histoires des éléments de preuve, dont les juges viennent maintenant de confirmer la force probante », a-t-il commenté dans un communiqué.
Khartoum a annoncé à plusieurs reprises qu’elle ne reconnaît pas l’autorité de la CPI. Les autorités soudanaises ont même arrêté Ali Kosheib en novembre dernier en prétendant le juger, ce qui aurait pu rendre l’action de la CPI caduque. Mais cette dernière ne semble pas avoir estimé le processus enclenché par le tribunal spécial soudanais pour le Darfour assez sérieux pour mettre fin au sien.
« Le pouvoir et l’autorité de tuer ou pardonner quiconque au Darfour »
Lors d’une autre sortie publique, Ahmed Haroun aurait déclaré en 2003 avoir reçu le « pouvoir et l’autorité de tuer ou pardonner quiconque au Darfour pour la paix et la sécurité ». L’affirmation prend tout son poids lorsque l’on sait que l’une de ses principales missions au ministère de l’Intérieur était d’organiser le recrutement, la formation et l’armement de milices au Darfour. Les forces armées soudanaises étaient accaparées par le conflit du Sud Soudan lorsque les rebelles ont déclenché les hostilités au début de l’année 2003, c’est pourquoi Khartoum a largement armé des milices pour les combattre.
Ahmed Haroun aurait alors travaillé en étroite collaboration avec Ali Kushayb, considéré comme l’un des notables et chef militaire les plus importants du Wadi Salih (région de l’ouest du Darfour), selon Trial Watch. C’est à ce titre et dans ce contexte qu’il a obtenu en 2003 une position au sein des Forces de défense populaire, des unités de réserve paramilitaires de l’armée.
Le ministre des Affaires étrangères Mustapha Osman Ismaël profite d’ailleurs régulièrement du flou existant entre bandits et miliciens pour déclarer que le gouvernement combat les milices dites « janjawids » mais qu’il arme effectivement des milices paramilitaires populaires.
Les mandats d’arrêts sur le site de la CPI, en anglais
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En image : Ahmed Haroun. Droits : Trial Watch