Le Haut commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme soupçonne Khartoum d’avoir pris part à l’attaque d’une quarantaine de villages, en août dernier, dans le sud du Darfour, faisant une centaine de morts et 10 000 déplacés. Cette complicité dénoncée lundi avec prudence par l’organe onusien, à travers un rapport, l’est avec force depuis des années par des observateurs internationaux.
Alors que les affrontements se poursuivent au Darfour, le Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) est revenu lundi sur des attaques qui remontent au mois d’août dernier et impliquent directement Khartoum. Dans un rapport fondé sur le témoignage de survivants, Louise Harbour, le Haut commissaire de l’Onu aux droits de l’homme, a expliqué comment 300 à 1 000 miliciens bien armés ont attaqué quelque 45 villages autour de la ville de Bouram (sud Darfour). « A l’approche des villages, les assaillants ont indistinctement ouvert le feu sur les habitations, tirant sur les personnes à l’intérieur et incendiant systématiquement les maisons (…) Les biens et le cheptel ont été pillés », indique le document.
Les milices voulaient ainsi « changer complètement l’équilibre ethnique » et faire de ce lieu, où vivent des tribus Zaghawas, Four et Massalit, « une région appartenant entièrement aux tribus arabes », explique-t-elle. Cela, avant le déploiement hypothétique des troupes de l’Onu. L’attaque a fait une centaine de morts et la zone, qui abritait près de 10 000 personnes, est aujourd’hui déserte. Pour le Haut commissaire des Nations Unies, les autorités soudanaises étaient « presque certainement au courant, voire complices » de cette attaque « massive ».
Les ordres venaient de Khartoum
Ce que l’ancienne juge québécoise déclare aujourd’hui avec frilosité, de nombreux observateurs, chercheurs et ONG le dénoncent depuis plusieurs années avec force. De septembre 2004 à février 2005, l’ancien marine américain Brian Steidle a participé à une mission d’observation de l’Union africaine au Darfour. Dans une interview à paraître sur Afrik.com, il explique comment il a vu des militaires incendier des huttes à quelques centaines de mètres de lui sans ne rien pouvoir faire : « Quand j’ai dit à leur chef que j’en référerais à sa direction, il m’a répondu qu’il avait reçu ses ordres de Khartoum. » Au sein de son équipe, composée de huit observateurs de différentes nationalités, le représentant soudanais « disait que nous ne pouvions pas prouver ce qui se passait. Que l’on ne pouvait pas prouver qui a tué », explique-t-il.
De fait, le gouvernement soudanais a démenti avoir collaboré à l’opération dénoncée lundi par le HCDH. Selon le rapport, Khartoum précise qu’il s’agit d’un conflit tribal et que la milice Habbania, mise en cause, répondait à des attaques rebelles remontant à avril. Le ministre soudanais de la Justice, Mohamed Ali al-Mardi, a ajouté lundi que son gouvernement ne soutenait aucune partie contre une autre et que l’Onu n’avait pas utilisé de sources sûres dans son enquête.
Dans la nuit de samedi à dimanche, des combats entre l’armée soudanaise et le Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE), non signataire des accords d’Abuja, ont fait au moins 80 blessés graves à la frontière soudano-tchadienne. « Les forces régulières soudanaises ont utilisé des avions Antonov et de l’artillerie lourde contre les rebelles », a indiqué une source humanitaire à Abéché (est du Tchad). Elle n’exclue pas que les combats aient pu faire des morts car seuls les blessés ont été transportés à l’hôpital.