En visite au Rwanda, Georges W. Bush s’est déchargé de toute responsabilité au Darfour en appelant l’ONU, qu’il accuse de « lenteur », à « régler le conflit ». La Chine, dont les relations économiques avec Khartoum sont perçues comme un frein au retour de la paix, met en cause les capitales occidentales. Quinze civils seraient morts, mardi, lors d’un bombardement aérien dans l’ouest du Darfour.
L’offensive rebelle tchadienne sur N’Djamena a détourné le regard des médias de la guerre au Darfour voisin, où les violences se poursuivent pourtant. Mardi, une attaque aérienne des forces gouvernementales sur le Jebel Moun, dans l’ouest de cette région du Soudan, a causé la mort d’au moins 15 civils, selon un premier bilan établi par le coordinateur humanitaire du JEM (Mouvement pour l’égalité et la justice), contacté par Reuters. Près de 20 000 personnes, selon des sources humanitaires, avaient gagné ces montagnes après une autre première attaque de l’armée, appuyée par des milices, le 8 février dernier, contre trois villages alentours.
Les derniers bombardements aériens ont même frappé un camp de déplacés, heureusement vidé de ses résidents en fuite. Les officiels soudanais assurent chercher à « nettoyer » la région, en proie à des affrontements, depuis plusieurs semaines, pour permettre son accès aux organisations humanitaires internationales.
La Chine contre-attaque
C’est dans ce contexte que la Chine, accusée de ne pas faire assez pression sur son partenaire économique soudanais, a fait une sortie remarquée, ce mercredi, par le biais de son représentant pour le Darfour : « Les principaux groupes rebelles refusent toujours des négociations et n’offrent aucune condition. C’est la principale raison pour laquelle le processus politique est en retard par rapport à la mission de maintien de la paix de l’Union africaine et de l’ONU », a affirmé Liu Guijin au quotidien anglophone China Daily. Les puissances occidentales peuvent exercer plus d’influence positive sur ces dirigeants rebelles, car beaucoup d’entre eux vivent dans les capitales occidentales », a-t-il poursuivi.
La veille de cette offensive diplomatique, le président Georges W. Bush, en visite au Rwanda dans le cadre de son dernier voyage officiel en Afrique, avait lancé la première salve : « les souffrances humaines doivent prévaloir sur les intérêts commerciaux », avait-t-il déclaré à Kigali, alors qu’il visitait le mémorial érigé pour la mémoire des 800 000 tutsis et hutus victimes du génocide de 1994. Une adresse à l’attention de Pékin, qui a investi des milliards de dollars dans le pétrole soudanais et vend des avions de combat à Khartoum. La Chine avait déjà été secouée par le retrait du réalisateur américain Steven Spielberg, la semaine dernière, de son rôle de conseiller artistique pour les Jeux Olympiques de 2008, organisés par la Chine, en raison de l’appui de Pékin au régime soudanais.
Bush s’exempte de toute responsabilité au Darfour
Le président américain s’en est également pris aux Nations Unies et à leur « lenteur ». « Cela me paraît bureaucratique, particulièrement lorsque des gens souffrent », a-t-il jugé. La Mission de l’Union africaine au Soudan (Amis), devenue depuis le début de l’année celle de l’ONU et de l’UA (Mission de l’ONU et de l’Union africaine au Darfour, Minuad), n’est aujourd’hui composée que de 10 000 hommes alors qu’elle doit l’être de 26 000. Ce qui a poussé Georges W. Bush à demander à l’ONU de « régler ce problème une bonne fois pour toutes »… oubliant sans doute que l’ONU est une assemblée de pays dont les Etats-Unis font parti.
Or, Washington, qui qualifie les violences commises contre les populations negro-soudanaises du Darfour de génocide, n’a pas souhaité fournir de moyens humains à la Minuad ni d’hélicoptères. En décembre dernier, quelques mois avant le début de son déploiement, le Secrétaire général de l’Onu avait pourtant réclamé des efforts aux contributeurs internationaux afin que la Mission hybride soit une « force robuste et efficace. Sans cela, avait-il prévenu, il n’y aura pas de sécurité ni de progrès crédible sur les pourparlers de paix. Les chefs rebelles ne s’y joindront tout simplement pas sans une force efficace de maintien de la paix. » La principale demande concernait 24 hélicoptères, 18 de transport et 6 tactiques.
Interrogé sur la contradiction entre ses propos et son refus de participer aux efforts réclamés par Ban Ki Moon, le président a répondu avoir pris une décision et s’y tenir. « Je suis satisfait de cette décision, je ne suis pas satisfait de la rapidité de la réponse internationale », a-t-il affirmé sans plus d’explications. Selon la Maison blanche, Georges Bush devait néanmoins annoncer une aide de 100 millions de dollars pour contribuer à la formation et à l’équipement des soldats de la paix de l’Union africaine.