Darfour : Bernard Kouchner fait marche arrière


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Le ministre français des Affaires Etrangères a annoncé, mercredi, qu’il n’était « pas du tout sûr » que le projet de corridor humanitaire aérien pour aider les populations du Darfour (Soudan) voie le jour. L’idée de Bernard Kouchner avait suscité des réticences au Soudan, au Tchad (d’où elle devait être mise en place) et chez plusieurs ONG. La constitution d’un « groupe de contact élargi » semble désormais privilégiée.

Bernard Kouchner fait un pas en arrière. Le ministre français des Affaires Etrangères est revenu, mercredi, à la sortie du conseil des ministres, sur le projet de corridor humanitaire aérien qu’il avait proposé le 29 mai pour aider les populations affectées par la guerre dans la province ouest-soudanaise du Darfour. L’ancien French doctor, en tournée africaine depuis ce jeudi, a déclaré qu’il n’était « pas du tout sûr » qu’il puisse être mis en place. « On ne peut pas décider pour les autres. Le corridor humanitaire, c’est un beau concept quand il peut s’adapter. Là, il était aérien, et c’est pas du tout sûr qu’on puisse le faire. Mais le reste, on le fera », a expliqué le partisan du droit d’ingérence humanitaire. Et de préciser qu’il va toute de même « y avoir un plan et toute une démarche française ».

Un projet contesté

Il faut dire que l’initiative n’a pas été perçue d’un bon œil par le Soudan, ni par le Tchad d’où ce corridor devait partir. Pour N’djamena, qui précise qu’aucune demande officielle ne lui a été formulée par Paris, le projet est superflu. « Le Tchad n’a pas besoin de corridor parce qu’il y a une coopération parfaite et intégrée entre les autorités tchadiennes et les organes des Nations Unies », a déclaré, mardi, à la presse, le Premier ministre, Nouradine Delwa Kassiré Coumakoye.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont également fait valoir leur opposition. « Mettre en place des convois protégés par des militaires conduirait à une confusion entre humanitaires et militaires, a expliqué François Danel, directeur général d’Action contre la Faim, dans une interview accordée au quotidien français La Croix. Nous sommes unanimes avec nos amis de Médecins sans frontières, de Médecins du Monde ou de Solidarités pour refuser cette situation qui risque de perturber nos actions à moyen et long termes, a fortiori si des militaires français sont impliqués. (…) La piste sur laquelle il serait intéressant de travailler serait celle d’un accès aérien accru aux zones difficiles d’accès ou dangereuses. »

Priorité au « groupe de contact élargi »

Si l’option du corridor humanitaire s’éloigne, celle d’un « groupe de contact élargi » semble avancer. Il devrait rassembler « une bonne vingtaine de participants », parmi lesquels des pays et des organisations telles les Nations Unies (Onu) et l’Union Africaine (UA), qui se réuniront fin juin à Paris. La secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, doit assister à la rencontre et la France espère que le chef de la diplomatie chinoise, Yang Jiechi, fera le déplacement. La Chine soutient en effet le régime de Khartoum, qui refuse toujours le déploiement d’une force mixte de quelque 20 000 soldats de l’Onu et de l’UA.

Comme l’a souligné Bernard Kouchner, qui a fait du Darfour sa « priorité » : « Ce qui est important, c’est que dans les régions les plus difficiles, autour des camps, pas dans les camps, il faut que la sécurité soit assurée pour les personnes déplacées ». Une tâche de plus en plus compliquée à assurer en raison du climat d’insécurité qui règne, et qui viserait de plus en plus les travailleurs humanitaires. Le climat délétère a déjà fait, depuis le début de l’année, 140 000 nouveaux déplacés, qui s’ajoutent aux quelques deux millions recensés par l’Onu. « L’une des conséquences très visibles de la poursuite [de ce phénomène] est l’accroissement de la population (…) des camps, dont beaucoup ne peuvent plus absorber de nouveaux arrivants », a expliqué George Somerwill, un porte-parole de l’Onu.

Bernard Kouchner pourra juger de la situation des réfugiés soudanais et des déplacés tchadiens, lors de sa visite, ce week-end, du camp de Tchabal (Est du Tchad), où vivent 15 000 des 250 000 réfugiés soudanais installés dans cette région du pays. Lundi, le chef de la diplomatie française rencontrera les autorités soudanaises pour s’entretenir « à la fois les relations bilatérales, les questions régionales et la situation au Darfour », selon une source diplomatique.

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