Le chorégraphe marocain Taoufik Izzediou est à La Havane. Dans le cadre de la deuxième édition de la Biennale Danse Caraïbe, organisée par CulturesFrance, du 23 au 28 mars, il a été l’un des deux intervenants de l’atelier « Danza en construccion » (Danse en construction). Il nous raconte son expérience avec de jeunes danseurs venus de toute la région.
Afrik.com : Comment s’est organisé l’atelier ?
Taoufiq Izeddiou : Dix jours avant le début de la Biennale, on s’est installés dans une petite bourgade cubaine, à 8h de route de la capitale. Nous avons travaillé autour de la composition chorégraphique, pour faire découvrir aux danseurs la meilleure façon d’écrire un solo ou un duo, leur permettre d’ébaucher des pistes de travail et de réflexion, de créer des liens entre eux. Le dernier soir, on a joué dans le village, c’était extraordinaire. Comme certains des participants présentaient un spectacle lors de la Biennale, l’idée était aussi de faire en sorte qu’ils arrivent solides et confiants devant le public, en les poussant à approfondir leur propos tout en respectant leur environnement et leur écriture intime.
Afrik.com : Quel bilan faites-vous ?
Taoufiq Izeddiou : Pour moi, c’était une vraie découverte. J’avais envie de voir le niveau de la danse dans les différents pays de la Caraïbe. Il y a des choses très intéressantes. Certaines abouties, d’autres qui en sont encore aux balbutiements mais je pense que la région a de l’avenir. Il y a vraiment de bons danseurs. Maintenant, ce qu’il faut faire, c’est surtout développer l’écriture chorégraphique.
Afrik.com : Comment êtes-vous devenu danseur puis chorégraphe ?
Taoufiq Izeddiou : Je suis né à Marrakech et je suis resté au Maroc jusqu’à mes 23 ans. J’ai une formation pluridisciplinaire et touche à tout : j’ai fait de la boxe, du théâtre, de la danse classique, de la danse contemporaine et des études d’architecture… J’aime dire aussi qu’il y a un côté « sauvage » dans ma formation car j’ai choisi les gens avec lesquels j’ai voulu apprendre, comme Joseph Nadj. Ma rencontre avec Bernard de Montet a été déterminante. J’ai travaillé avec lui 10 ans, au Centre national de Tours. J’ai créé la première compagnie de danse contemporaine au Maroc en 2001, puis j’ai mis en place Al Moukhtabar (« le laboratoire ») pour trouver des danseurs. Sur les 500 personnes qui se sont présentées, j’en ai gardé dix. Ça a permis d’initier un public à cette forme d’art, encore largement méconnu dans le pays. Aujourd’hui, les danseurs sélectionnés ont tous une carrière, au Maroc ou ailleurs. C’est une vraie satisfaction.
Afrik.com : Existe-t-il des lieux pour la danse contemporaine au Maroc ?
Taoufiq Izeddiou : Malheureusement non. C’est pourquoi j’ai créé le premier festival du pays, En Marche, en 2005 à Marrakech, qui a lieu tous les mois de janvier. J’ai aussi développé deux concepts : « Danse en appartement » et « Danse contre nourriture » : des spectacles qui ont lieu chez des particuliers qui, en échange, offrent le repas aux danseurs. En mangeant, nous échangeons aussi sur la danse, la culture, l’art… C’est passionnant.
Afrik.com : Quels sont vos projets ?
Taoufiq Izeddiou : Je prépare un solo pour mai 2011, c’est quelque chose auquel je tiens beaucoup. Et je suis en train de mettre en place Al Moukhtabar 2. Pour cette édition, je m’adresse à des gens de 18 à 80 ans. Je me suis toujours intéressé au rapport au corps et à l’âge dans la danse. D’ailleurs, je travaille déjà avec des danseuses d’un certain âge. Enfin , le grand projet à long terme, c’est d’inventer le premier lieu pour la danse contemporaine au Maroc. Les danseurs et chorégraphes marocains sont reconnus au niveau international. Ils doivent l’être aussi dans leur pays.
Le programme de la Biennale