Les prisonniers du Tchad vivent un véritable enfer, a dénoncé Amnesty international, dans un rapport rendu public ce lundi. Leurs conditions de détention sont épouvantables. Incarcérés dans des cellules surpeuplées, ils n’ont pas accès aux soins, à l’eau potable ni à une nourriture de qualité. Beaucoup meurent avant même d’être jugés.
« Nous sommes en train de mourir ici ». Cet appel au secours des prisonniers du Tchad est aussi l’intitulé du rapport d’Amnesty international. Le texte, rendu public ce lundi, témoigne des « épouvantables » conditions de détention dans le pays. Le constat de l’organisation de défense des droits de l’homme est alarmant : les droits des détenus au Tchad sont constamment bafoués. Certains sont même enchainés 24 heures par jour pendant plusieurs mois.
Les détenus n’ont également pas accès à l’eau potable ni à une nourriture de qualité. Elle leur est parfois servie dans des assiettes collectives où à même le sol, dans des nattes sales. Certains se retrouvent souvent sans rien à se mettre sous la dent. « Les prisonniers rencontrés étaient dans leur majorité émaciés, faibles et apparemment d’un poids insuffisant », souligne le rapport. De plus, les cellules où ils sont incarcérés sont surpeuplées. Fin janvier 2012, 45 prisons accueillaient au total 4 831 détenus, soit quatre fois plus que leurs capacités d’accueil. Pis, les enfants, y compris les fillettes, sont parfois détenus avec les adultes. Certains parents peuvent même rester trois mois sans avoir des nouvelles de leurs progénitures. La loi interdit pourtant la détention des mineurs âgés de moins de 18 ans.
L’accès aux soins est également un parcours du combattant pour les détenus. Dans certains établissements pénitenciers, il n’y a parfois aucun médecin. Il n’est pas rare que des prisonniers, assurant avoir des compétences médicales, soient chargés de soigner leurs codétenus. La vie des détenus est d’autant plus en danger compte tenu des mauvaises conditions d’hygiènes dans lesquelles ils vivent. Dans certaines des prisons visitées par les chercheurs d’Amnesty International, « le système d’évacuation des eaux usées ne fonctionnait plus depuis des années. La présence combinée d’eaux usées stagnantes et d’excréments humains dans les cours et autour des prisons met en danger la santé des prisonniers, du personnel et des habitants des localités où sont situées l
ces prisons. »
Ce détenu, qui s’est confié à l’ONG, témoigne des conditions d’insalubrités dans lesquelles se trouvent les prisons tchadiennes : « Il faisait très chaud dans les pièces, en particulier entre mars et mai. Les cellules étaient très sombres la nuit et très mal ventilées. Ça sentait très fort parce que les prisonniers déféquaient et urinaient dans des seaux ou des sacs en plastique à l’intérieur des cellules.»
« Les prisonniers au Tchad doivent lutter chaque jour pour survivre »
« Les prisonniers au Tchad doivent lutter chaque jour pour survivre », déplore Christian Mukosa, spécialiste du Tchad à Amnesty International. Ces derniers sont régulièrement confrontés à de graves maladies. Nombre d’entre eux « souffrent de maladies de la peau, d’infections sexuellement transmissibles, du paludisme ou de la tuberculose », constate-t-il. Au cours des 12 derniers mois, neuf détenus sont morts d’asphyxie, cinq de déshydratation et sept autres ont été abattus par des gardiens. Ces derniers n’hésitent pas à ouvrir le feu pour disperser les émeutes. D’après l’organisation, fin 2011, au moins sept prisonniers ont été tués par les forces de sécurité.
La situation des femmes et adolescentes est particulièrement préoccupante, relève Amnesty International. Détenues parfois dans les mêmes cellules que les hommes, elles sont très exposées aux violences sexuelles. Plus alarmant encore, l’organisation affirme avoir vu des bébés ayant moins de sept mois vivre en prison car leur mère y était détenue. Selon Christian Mukosa, « le Tchad a entamé depuis des années une réforme de l’institution pénitentiaire mais il n’y a eu que peu d’améliorations visibles. Le système pénitentiaire ne dispose même pas des éléments les plus essentiels pour permettre aux détenus de conserver un minimum de dignité ! », déplore-t-il.
Une grande partie du problème des prisons du Tchad est du à l’oubli de prisonniers, constate l’ONG. Ce « qui contribue à la surpopulation des prisons tchadiennes. Les gens peuvent facilement passer des années en prison sans que les autorités judiciaires soient informées de leur présence ». Parfois, ils ne sont pas libérés alors qu’ils ont purgé leur peine, comme le cas de ce garçon de 15 ans détenu pendant 18 mois sans qu’un procureur en soit informé.
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