Dakar 2022 : 9ème Forum mondial de l’eau. Quand l’eau coulera-t-elle de source ?


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Fleuve Congo

Reporté d’un an pour cause de pandémie, le 9e Forum mondial de l’eau se tiendra  à Dakar du 21 au 26 mars sur le thème de la ‘’Sécurité de l’eau pour la paix et le développement’’. Cette première édition en terre subsaharienne est l’objet de toutes les attentions. Avec 67 % de ses habitants sans accès à l’eau potable, l’Afrique ne peut plus se contenter de jouer les derniers de la liste. Les initiatives qui sortiront de ce forum seront scrutées à la loupe par les différents acteurs et particulièrement les populations défavorisées des zones urbaines et rurales, premières victimes du manque d’eau et de la disponibilité d’un assainissement décent. Et les gouvernants, conscients de cette épée de Damoclès, devront montrer une meilleure compréhension des urgences climatiques, et une volonté d’y répondre avec les actions appropriées.

Et si la nouveauté consistait à bien faire travailler de concert les gouvernements, entreprises, ONG et associations pour ne plus laisser l’accès à l’eau à quelques privilégiés ? Les questions de mobilisation générale pour l’électrification du continent ont été largement évoquées ces dernières années et encore tout récemment au sommet UA-UE à Bruxelles, mais celles de l’accès à l’eau n’ont pas eu autant de faveur. Pourtant, son exploitation et sa gestion sont cruciales en termes de survie, de développement économique et de santé publique. Selon l’OMS, la consommation d’eau non potable est, chaque année, la seconde cause de mortalité des 45 % d’enfants de moins de 5 ans en Afrique subsaharienne.

« L’important, ce sont les réponses concrètes »

Comme le martèlent les ONG et organismes concernés, près de la moitié de la population mondiale boit de l’eau non conforme pour la santé, avec des conséquences humaines désastreuses et environ 2,6 millions de personnes qui meurent chaque année. Le Forum de Dakar sera donc l’occasion de mettre au premier plan ces préoccupations qui figurent au sixième rang des dix-sept Objectifs de développement durable adoptés par les États membres des Nations Unies en 2015. Avec plus d’une centaine de sessions et de conférences, quelque 200 stands, pavillons nationaux et villages à thèmes, ce 9ème  Forum tentera de surpasser la précédente édition qui s’était déroulée en 2018 au Brésil et où l’idée phare était la promotion des ressources hybrides et des financements publics- privés. Comme le rappelait en ce début d’année Loïc Fauchon, président du Conseil Mondial de l’eau, « l’important, ce sont les réponses concrètes aux questions posées, c’est de faire en sorte que chaque participant puisse retourner chez lui avec des solutions immédiatement adaptables ».

Les quatre axes retenus pour Dakar s’articulent autour de la sécurité de l’eau et de l’assainissement, le développement rural, les modalités de coopération, et aussi les moyens et outils à mettre en œuvre. Pays hôte, le Sénégal compte bien consolider une forte mobilisation politique pour assurer la mise en œuvre de l’ODD6. Macky Sall, président du Sénégal mais également président en exercice de l’Union africaine, disposant d’un réel leadership sur le plan international, souhaite donner une résonance planétaire aux décisions prises à Dakar en mars prochain. L’objectif visé est de « construire notre contribution au 9e Forum mondial de l’eau, de manière à dialoguer, coopérer, développer des synergies et construire autour des bassins la paix, la solidarité et le développement », rapporte-t-on du côté des organisateurs.

« Sans eau, il n’y a pas de paix, ni de développement »

« Les organismes de bassin d’Afrique sont donc appelés à réfléchir à ce qu’ils pourront faire pour assurer le succès de ce Forum mondial de l’eau, a récemment déclaré Abdoulaye Sène, son Secrétaire exécutif. Nous allons surtout voir comment lancer des initiatives en vue d’avoir des réponses encore plus visionnaires, pour que l’eau soit au cœur de l’agenda mondial, au cœur des politiques publiques et des préoccupations à tous les niveaux. Parce que sans eau, il n’y a pas de paix, ni de développement », a-t-il insisté.

Le gouvernement sénégalais s’attelle à transformer l’essai en un succès mondial et global, avec une tonalité africaine. Un souhait qui ne peut qu’être exaucé tant les astres semblent être alignés pour le pays de la Teranga en ces premiers mois de l’année, preuve du volontarisme politique d’une nation sur la scène internationale et de la réactivité de ses dirigeants. Ce forum qui précède celui de l’ONU de 2023 sur la même thématique, permet à tous les acteurs engagés d’affirmer que la gestion de l’eau au niveau mondial n’est pas qu’un problème de moyens mais bien une question de volonté politique.

Macky Sall obtient 150 milliards d’euros pour l’Afrique

Comme l’ont indiqué Macky Sall et Emmanuel Macron, lors d’un colloque tenu en février dernier au sein de l’incubateur parisien La Station F, en prélude au sommet UE- UA à Bruxelles, il est urgent d’agir de concert sur les enjeux de premier plan. « Il faut du cash pour relancer les économies. Ce cash, nous pensons qu’il peut venir des DTS [droits de tirage spéciaux] », a lancé Macky Sall, exhortant son homologue français à soutenir activement la relance des économies africaines. Le président en exercice de l’Union africaine a, semble-t-il, su convaincre : quarante-huit heures après était annoncée dans la capitale belge la mise à disposition d’une enveloppe de 150 milliards d’euros. Bruxelles assure vouloir « aider des projets voulus et portés par les Africains ». Qui plus est, la présidence actuelle de l’UA, portée par Macky Sall et celle de l’UE dévolue à son homologue français, sont de nature à faire converger les initiatives, en embarquant au passage les grands acteurs du secteur que sont Suez et Véolia, sans omettre les influentes fondations anglo-saxonnes déjà actives dans le paysage.

Le cadre dédié de la ville nouvelle de Diamniadio, sise à moins d’une heure de Dakar, où se déroulera la plupart des manifestations, s’affiche comme un exemple de réussite. À commencer par le Centre International de Conférences Abdou Diouf dernier cri qui fonctionne à l’énergie solaire. Quant au tout nouveau stade de football, baptisé du nom de l’ancien président Abdoulaye Wade, son identité green a été une donnée importante dans le cahier des charges. Une manière de montrer que l’Afrique a pris à bras-le-corps ces questions environnementales et compte bien leur donner une place primordiale dans tous les secteurs. Une approche holistique qui fait son chemin dans ce pays qui a massivement investi dans la formation des agriculteurs et agro-transformateurs, la gestion des sols et la maîtrise des ressources hydrauliques. Les bonnes pratiques africaines qui se dégageront du Forum mondial de l’eau pourront alors muter en expérience universelle.

Réflexion par François Thomas, directeur de publication du magazine Brune et du magazine Ben et journaliste

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