Le nom d’Irving Penn est associé à la photographie de mode des années 50 et 60 et à la revue Vogue. En revanche, on connaît moins le voyage qu’il a effectué en Afrique en 1967. Au Dahomey (qui ne s’appelle pas encore le Bénin), le photographe américain tombe amoureux de la beauté des villageois, qu’il fait poser dans un studio mobile. Il est aussi fasciné par les legba, sculptures rituelles. A Paris, une exposition permet de voir certains de ses clichés.
Irving Penn, le photographe de mode talentueux du magazine Vogue, figure de proue de l’intelligentsia new-yorkaise, s’est rendu en Afrique. C’était en 1967, au Bénin, qui s’appelait alors encore le Dahomey. Il en a ramené un certain nombre de clichés passionnants dont quelques-uns se retrouvent aujourd’hui exposés à la Maison européenne de la Photographie (Mep), à Paris. Il ne res
te plus que quelques jours pour découvrir la salle réservée à l’artiste, jusqu’au 14 mars précisément, et ce serait une erreur de ne pas s’y rendre. « Irving Penn nous offre une relecture de son travail qu’il a effectué au Dahomey. Ces images inattendues, et non publiées à ce jour, surprendront ceux qui croyaient déjà tout connaître du maître américain », indique d’ailleurs Jean-Luc Monterosso, le directeur de la Mep.
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L’exposition est peu fournie mais riche. On y découvre les photographies de villageois effectuées par Penn dans un studio mobile. « J’étais très excité à l’idée du voyage au Dahomey, mais il était évident qu’il serait presque impossible de trouver ou de construire, dans les villages, des ateliers à la lumière du jour. C’est à ce moment-là que j’ai imaginé, pour la première fois, un atelier mobile, démontable, suffisamment simple pour pouvoir être construit rapidement par des artisans, une bâtisse suffisamment solide pour résister au vent, au soleil brûlant, et si possible à la pluie, et suffisamment légère pour être transportée par air », explique Irving Penn.
« Nous allions d’un côté à l’autre du pays, installant notre camp photographique dans les villages, les champs, les marchés, au milieu des Fulanis, des Peuls, des Pilapilas. C’est probablement à Ganvié, village lacustre construit sur pilotis, non loin de Cotonou, que nous avons trouvé notre plus belle opportunité. Les jeunes gens, là-bas, possèdent une beauté tendre, une pureté qui est un véritable trésor. Je me suis senti heureux de pouvoir préserver quelque chose d’eux, ne serait-ce que par mes photographies. »
Fasciné par les legba du Dahomey
Le photographe souhaitait faire des images, pas des portraits, et l’on peut aisément comparer ses clichés de jeunes filles, torses nus, hanches moulées dans un pagne et têtes coiffées de foulards, aux photographies de mode qu’il avait l’habitude de réaliser. En noir et blanc ou en couleur, ces photos sont toutes posées et terriblement graphiques, faisant effectivement ressortir cette beauté et cette pureté dont parle Penn, mettant en avant des regards ou des scarifications, véritables décorations corporelles.
Les legba, sculptures rituelles
L’autre partie du travail du photographe est plus étonnante : en couleur, il a capturé les images de legba. Ces sculptures rituelles, mélange de pierre, de boue, de coquillages, de dents, de plumes ou de cornes, qui représentent pour la plupart des visages humains ou des animaux, servent traditionnellement d’autels. Elles ont fortement marqué l’imaginaire de Penn, qui les a collectées soigneusement et comme sous hypnose. Il nous offre ici un regard décalé et un drôle de voyage en Afrique noire.
Irving Penn, « Dahomay, 1967, Photographies », jusqu’au 14 mars 2004 à la Maison européenne de la Photographie, 5-7, rue de Fourcy – 75004 Paris.