D’Geyrald, un des seuls rescapés des boys’band, revient sur le devant de la scène musicale. Ce métis d’origine martiniquaise navigue entre pop, rock, et électro, vit entre Paris et la Nouvelle-Orléans, où il a sa société de production. Aujourd’hui, il nous présente son nouveau single « I’m your man » une histoire d’amour au masculin, et prépare son futur album dont on pourra découvrir les titres lors de son concert, à Paris, le 10 avril prochain. Confidences d’un artiste défenseur de la diversité à Afrik.com.
Par Julian Khephri
Après son courageux coming out[[<*>Le fait de révéler publiquement son homosexualité.]] à travers la chanson « A new kind of love », succès de l’été dernier, celui que le milieu musical a surnommé D’Gey, âgé de 26 ans, continue sa carrière solo. Il a créé aux Etats-Unis le label symbamusic, et est chroniqueur sur la nouvelle chaîne du câble, Pink TV. Son nouveau single, « I’m your man » en duo avec le chanteur Tanéo fait la une de la presse gay internationale, car le clip raconte le quotidien d’un couple d’hommes. Au-delà de ce combat, si l’artiste franco-martiniquais assume son métissage et sa sexualité, il se revendique avant tout comme un artiste dont le métier est au service de la tolérance. Avec humilité et humour, il nous confie son histoire et ses ambitions.
Afrik.com : Votre parcours a été mouvementé. Après l’aventure G-Squad, pendant laquelle vous avez vendu plus d’un million d’albums, comment l’avez-vous vécu le retour à l’anonymat et la désillusion ?
D’Geyrald : Ça été assez dur. Lorsqu’à 16 ans, on est une star avec plein d’argent, c’est grisant. Les stades blindés de fans, c’est enivrant. Alors, le retour à une vie anonyme est forcément difficile. Mais ça m’a forgé. J’ai pu déterminer ce que je voulais faire de ma vie, c’est-à-dire composer et jouer de la musique. En plus, dans ces moments-là, vos vrais amis et ceux qui croient en vous se révèlent. Du coup, on prend son courage à deux mains. Reprendre la vie avec simplicité. Voir qu’il y a des choses essentielles et d’autres dont on peut se passer. J’ai dû travailler mon talent, et j’ai trouvé beaucoup d’inspiration. Une nouvelle maison de disque, et puis ce futur album.
Afrik.com : Que raconte votre nouvelle chanson I’m your man et le clip qui en est tiré ?
D’Geyrald : C’est l’histoire de deux garçons qui vivent ensemble et qui s’aiment. Le clip raconte un bout de leur quotidien. A un moment, l’un d’eux est agressé et son petit ami vient à son secours. Le clip se termine par une scène tendre où les deux hommes s’embrassent.
Afrik.com : Comment a-t-elle été accueillie en France ?
D’Geyrald : C’est difficile de répondre clairement. Le clip est diffusé sur Pink TV, la chaîne gay du câble. Elle a beaucoup aimé l’histoire. Mais les médias classiques sont encore hésitants. Certains, comme M6, ont rejeté l’idée. Parce que ce qui dérange, c’est que l’on y raconte une histoire d’amour banale, comme il y en a plein, entre deux hommes et qu’ils s’embrassent à la fin. On préfère garder l’image des homos comme des folles, alors que la réalité est plus complexe, plus variée. Je pense qu’il faut casser ce simplisme. Il faut voir la diversité.
Afrik.com : Plusieurs titres de votre futur album seront interprétés lors de votre concert à Paris, le 10 avril prochain. Que va-t-on trouver dans ce premier opus ?
D’Geyrald : Cet album est pour une grande part le résultat des années parcourues à la recherche de mon identité artistique. J’y joue de la guitare et je parle d’amour. D’amour passionnel, familial ou amical. De la détresse, de la solitude et de la perte de ceux qui nous sont chers. C’est très personnel. Le style musical se rapproche du rock. Il y a des balades et une recherche instrumentale assez poussée. Au concert du 10 avril, il y aura pas mal de duos, avec la diva de la house Zaya et des chanteurs gay américains bien connus. Il y aura également le rappeur britannique Q-BOY, un rappeur hors pair. Donc, musicalement ce concert sera très riche.
Afrik.com : Vous chantez en français, en anglais, mais pas en créole. Pourquoi ?
D’Geyrald : En fait, j’y pense. Mais je ne veux pas chanter en créole pour faire du zouk ou une simple balade. Je réfléchis à un mélange à partir de la musique traditionnelle martiniquaise, celle de nos Anciens. Je suis guitariste, alors j’envisage une rencontre entre ces percussions et ma guitare. C’est un gros travail instrumental qui demande du temps. Mais ça me tient à cœur. En tant qu’enfant de la diversité, je veux rendre hommage à mes héritages culturels.
Afrik.com : Noir et gay. Comment vivez-vous le fait d’être dans deux minorités à la fois ?
D’Geyrald : Le problème ne se pose pas dans ma tête. Ma mère est une Française originaire de Rouen et mon père martiniquais. J’en suis fier parce que c’est une richesse qui m’a donné accès à deux mondes. Je me sens métis : à la croisée de plusieurs cultures et traditions. Par ailleurs, je vis aussi dans le Sud des Etats-Unis, en Louisiane. C’est, là encore, une autre vision du monde, qui vous rend plus ouvert. Il y a beaucoup de modèles noires aux Etats-Unis et aussi une culture noire. Quant au fait d’être homo, c’est l’aventure G-Squad, où j’étais une icône pour les jeunes filles, qui m’a amené à me poser beaucoup de questions. Finalement, j’ai choisi de faire mon coming out. Histoire d’être honnête avec moi-même et d’être apprécié par mon public pour mon talent.
Afrik.com : La carte artiste gay n’est-elle pas dépassée ? Vous n’avez pas peur d’être enfermé dans cette image ?
D’Geyrald : Je ne suis pas seulement un artiste gay. Je suis chanteur, compositeur et producteur. Ce sont mes métiers, mais aussi mes passions. Il s’avère que je suis gay et qu’il existe des discriminations et des problèmes, pour les jeunes homos notamment. Ça m’a beaucoup touché, puisque j’en ai, d’une certaine manière, souffert. Donc, en tant qu’artiste, à l’occasion de ce single, je défends cette cause en essayant de montrer qu’être homo ce n’est pas être une folle, que vivre une histoire simple entre hommes c’est possible et que la société doit sortir des clichés.
Afrik.com : Votre label www.symbamusic.com est très actif. Internet est-il pour vous un marché majeur ?
D’Geyrald : Sur le site de notre label, on peut télécharger mes titres. C’est payant et légal. Je crois qu’à côté de l’offre traditionnelle, c’est un type d’offre qui a de l’avenir, surtout pour les producteurs et artistes indépendants. Internet est un vaste marché. Et lorsque l’on voit l’ampleur du piratage, il y a quelque chose à faire pour normaliser et réguler l’offre. Le public veut avoir accès au maximum de créations et à des prix abordables. En tous les cas, le site est bien visité. Il n’a pas le succès d’Afrik.com, mais j’espère arriver un jour à ce niveau.
Afrik.com : Vous vous occupez d’autres artistes avec votre label Symbamusic et vous présentez des chroniques sur Pink TV. Comment gérez-vous toutes ces activités ?
D’Geyrald : On s’entoure bien. On s’organise. C’est une gestion d’agenda. Et puis, surtout, il faut s’aménager des moments où on peut lâcher prise, histoire de se revigorer. C’est ce que je fais quand je vais voir mes grands-parents en Normandie, galoper ou chasser. Ou bien lorsque je retrouve la mer de la Martinique. Elle vous sourit lorsque vous y plongez.
Afrik.com : Vous vivez entre la Louisiane et la France. Comment percevez-vous les différences entre le monde antillais et l’univers afro-américain là-bas ?
D’Geyrald : Ce qui m’a le plus frappé en Louisiane, c’est l’importance du patriotisme. Les Noirs sont américains et l’assument avec force. Et bien que la société soit divisée entre Noirs et Blancs – chacun évolue de son côté – au sein de la communauté afro-américaine, il existe une unité et une solidarité très nette. C’est la différence la plus frappante avec ma région, la Martinique. Le rapport à la France y est compliqué. La solidarité n’est pas établie à cause des clivages sociaux. Les rapports sont durs entre Békés, Mulâtres, Noirs des quartiers pauvres, bourgeoisie noire, etc. La société américaine est très claire sur la question raciale. Ici, c’est plus hypocrite. Je ne dis pas que c’est juste. Mais cela exige un traitement différent de la question des discriminations vis-à-vis des minorités.
Afrik.com : Trouvez-vous la société française homophobe ?
D’Geyrald : Non. Je pense qu’il y a toute une pédagogie à mettre en place. Montrer qu’un couple gay peut vivre normalement, s’habiller de manière banale, avoir un quotidien normal, qui n’est pas un remake de la Cage aux folles (célèbre film français), c’est décrire la vie réelle. Je respecte les Queers (cinq homosexuels qui animaient l’été dernier une émission de divertissement sur la première chaîne française, ndlr), mais il n’y a pas que cela parmi les homos. Les ados de province ou les jeunes Antillais n’ont pas forcément besoin de se transformer ou de rentrer dans un moule pour vivre leur homosexualité. On dit que la musique adoucit les mœurs. Je crois que la minorité gay comme la société dans son ensemble en a besoin.