En voie de digitalisation accélérée, le continent fait face à une spectaculaire recrudescence des cyber-attaques. Tant au niveau des États que des entreprises ou de la société civile, la riposte s’organise.
« Risques cybernétiques et intelligence artificielle : quelles stratégies de défense face aux nouvelles menaces numériques ? » : c’est sur ce – vaste – thème qu’ont, la semaine dernière à Abidjan, planché les participants au Cyber Africa Forum (CAF). Organisée dans la capitale économique de la Côte d’Ivoire les 24 et 25 avril, la quatrième édition de l’évènement a rassemblé plus de 2 500 acteurs du secteur du numérique et de la cybersécurité, réunis autour de plus de 70 intervenants et partenaires originaires d’une cinquantaine de pays, dont 35 États africains.
Sur un continent qui se digitalise à grands pas, le forum a, selon son commissaire général Franck Kié, pour ambition de s’imposer comme la « référence en matière de cybersécurité en Afrique (et de) favoriser l’émergence d’infrastructures numériques africaines sécurisées et attractives ». Plus précisément, le CAF se propose, selon ses organisateurs, de « former et sensibiliser les sociétés civiles (africaines) à la cybersécurité, de mettre cette dernière au cœur des stratégies de gouvernance locales et régionales, et (…) de favoriser la promotion de partenariats multisectoriels et transnationaux en matière de sécurité numérique ».
Une cybercriminalité en hausse sur le continent
Alors qu’un Africain sur quatre est d’ores et déjà connecté à Internet, l’économie numérique pourrait atteindre, sur l’ensemble du continent, 180 milliards de dollars d’ici à 2025 – soit plus de 5% du PIB africain – et même plus de 700 milliards de dollars à l’horizon 2050. Un pactole qui attire toutes les convoitises et, notamment, celles des cybercriminels en tous genres. D’ores et déjà, on estime à 3,5 milliards d’euros le coût de la cybercriminalité en Afrique. Le continent fait ainsi face à des cyberattaques de plus en plus fréquentes et de plus en plus sophistiquées, qui sont susceptibles d’entraver sérieusement le développement économique et numérique de l’Afrique et de ses habitants.
Selon la dernière édition du rapport Security Navigator d’Orange Cyberdefense, ces cyberattaques pourraient représenter une perte équivalente à 10% du PIB de l’ensemble du continent. D’après le même rapport, le nombre d’extorsions en ligne aurait, en Afrique, augmenté de +70% sur la seule année 2023 – et encore ce chiffre ne tient-il pas compte du tabou qui pèse encore sur les victimes, dont la plupart ne portent pas plainte. Malgré leurs moyens, les grandes entreprises et institutions publiques ne sont pas épargnées, loin s’en faut ; ces derniers mois ont ainsi été ciblées l’Agence sénégalaise de régulation des télécoms ou encore la Bank of Africa Mali.
Les évènements sportifs sont eux aussi visés par les cybercriminels, qui peuvent exploiter tous les outils indispensables à la bonne tenue de ces évènements : vidéosurveillance, contrôle d’accès, écrans géants, billetteries… Dans le monde, plusieurs compétitions sportives ont déjà fait les frais de ces attaques : coupe du monde 2014, Formule 1, ou encore Jeux Olympiques de Tokyo où plus de 4 milliards de cyber-incidents avaient été recensés, soit 815 par seconde. Du côté des prochains Jeux Olympiques, ce sont également plus de 4 milliards de cyberattaques qui sont attendues. La récente Coupe d’Afrique des Nations (CAN), organisée par la Côte d’Ivoire, a à cet égard représenté une forme de test grandeur nature pour les cyber-capacités ivoiriennes et africaines.
Sidi Mohamed Kagnassi : « façonner un héritage numérique résilient »
Le succès de l’évènement sportif fait d’ailleurs dire à l’homme d’affaires ivoirien Sidi Mohamed Kagnassi que la compétition a été l’occasion de « façonner un héritage numérique résilient pour les années à venir et le continent tout entier ». De fait, la problématique de la cybersécurité commence peu à peu à s’imposer dans le débat public africain, tant chez les spécialistes qu’auprès des dirigeants politiques, de plus en plus conscients des menaces que font peser les cybercriminels sur les infrastructures critiques, la sécurité nationale ou encore la vie privée.
Comme l’observe Franck Kié, « l’accélération de la transformation digitale des sociétés africaines suscite l’émergence de nouveaux risques, contre lesquels nous devons lutter en menant des actions transverses, collectives et multisectorielles ». Autant d’ingrédients de la recette d’une résilience digitale originale, pour une Afrique où le numérique porte encore d’immenses et insoupçonnées promesses.