Une 62e édition du festival de Cannes sans l’Afrique ou presque. Si ce n’est, entres autres, ce pavillon « Les Cinémas du Monde », installé sous les auspices de Culturesfrance, promoteur français des échanges culturels internationaux. Trois longs métrages, trois courts métrages et cinq projets se feront ainsi découvrir lors de la grand messe du cinéma mondial.
Une pincée, tout de même, de cinéma africain dans la sauce cannoise. Les cinémas du monde, à savoir ceux d’Afrique, d’Asie, d’Amérique Latine, d’Europe centrale et orientale, du Proche et du Moyen-Orient seront représentés à la 62e édition du festival de Cannes qui démarre ce mercredi. Sous la houlette de Culturesfrance, opérateur du ministère des Affaires étrangères en charge des échanges culturels internationaux, trois longs métrages, dont Teza de l’Ethiopien Haïlé Gerima, Etalon d’or au Fespaco 2009, trois courts-métrages et cinq projets en cours de développement auront les honneurs de la Croisette. Leurs auteurs se verront offrir une belle vitrine dans un festival où le coût d’un pavillon est estimé à 400 000 euros.
Le pavillon « Les Cinémas du Monde », précédemment dénommé Cinémas du Sud, a failli pourtant ne pas être présent à Cannes. Olivier Poivre d’Arvor, le directeur de Cultures France, explique : « Il y avait une menace réelle au mois de novembre (2008) mais on a pu trouvé de nouveaux partenaires (parmi eux l’Organisation internationale de la Francophonie). C’est un combat de tous les jours parce qu’il n’y a aucune raison que chaque année, les procédures soient reconduites ». Des difficultés qui font écho à ce qui ressemble à un désengagement de la France de la production cinématographique en Afrique. « Il est normal, qu’en période de crise, les quelques rares Etats contributeurs comme la France, réfléchissent à chaque euro qu’ils investissent. Il faut être vigilant pour que la France, et d’autres pays, n’abandonnent pas la production du cinéma africain. Le combat est aussi artistique dans la mesure où les films produits doivent être diffusés à la télévision, ce qui permettra de justifier de l’utilité des financements. »
Le cinéma africain financé par des Africains
Le cinéma africain francophone manque de fonds, un mal récurrent. Sous perfusion française depuis une vingtaine d’années, cette industrie cinématographie n’arrive toujours pas à exister. Peut-être parce qu’il serait temps qu’elle se prenne en charge. Une démarche jugée « capitale » par le patron de Culturesfrance qui en appelle aux télévisions, banques et autres entreprises du continent. « Il faut que les hommes d’affaires comprennent », plaide Olivier Poivre d’Arvor, qu’il faut investir dans le Septième Art.
La présence d’un pavillon consacré aux Cinémas du Monde est un autre plaidoyer pour le cinéma africain. « Cannes est le marché le plus important au monde pour le cinéma, il faut par conséquent que cette cinématographie soit représentée. Le pavillon s’apparente à un acte militant : souligner dans ce festival, que du fait de raisons économiques, une frange du monde produit difficilement ses propres images ». Afin de donner plus de visibilité, sur la scène internationale, à ces cinémas du Sud, Culturesfrance a misé sur le charme et la renommée de l’actrice française Juliette Binoche et le flegme du réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako. Primé à Cannes en 2003 pour En attendant le bonheur dans la catégorie Un certain regard, ce dernier est à l’origine de l’initiative des Cinémas pour l’Afrique qui promeut la réhabilitation des salles de cinéma sur le continent. Le pavillon sera inauguré le 15 mai en présence de Gilles Jacob, le président du Festival de Cannes.
Encourager les projets
Des difficultés certes, mais une créativité tout aussi vivace dont témoigne Makéna Diop, l’acteur-réalisateur sénégalais qui présentera son projet Diabou Ndaw, la petite fille qui n’avait peur de rien. Un film d’animation pour laisser place « au conte et à l’imaginaire» et donner corps « a l’envie de raconter des histoires et de combler les manques que l’on a parfois quand on est devant la caméra ».
Le pavillon « Les Cinémas du Monde » rendra également un hommage à un grand homme de cinéma, l’acteur malien Sotigui Kouyaté, prix d’interprétation masculine en 2001 au Festival international du film francophone de Namur pour le film Little Sénégal de Rachid Bouchareb. La rencontre entre les deux hommes produit toujours des étincelles puisque Sotigui Kouyaté a reçu, en février dernier, l’Ours d’argent du meilleur acteur à la 59e Berlinale, le festival international du film de Berlin, pour son rôle dans London River.
Outre le pavillon cannois, Culturesfrance participe à la préservation de la mémoire du cinéma africain grâce à sa Cinémathèque Afrique. Elle détient plus de 1000 titres qui sont diffusés dans le monde et a participé à la numérisation d’une centaine d’œuvres détériorées. A ce thésaurus, s’ajoutera bientôt la dernière production du cinéaste malien Souleymane Cissé, Min yè (Dis-moi qui tu es), projeté dans le cadre des Séances spéciales de la sélection 2009 du Festival de Cannes.
Pour en savoir plus : le communiqué de Culturesfrance