Crise sécuritaire à l’est de la RDC : l’Onu dénonce le double jeu de l’Ouganda


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Soldats ougandais
Des soldats de l'armée ougandaise

Un nouveau rapport des experts de l’ONU sur la situation à l’est de la RDC a mis en évidence un soutien de l’Ouganda au M23. Or, les deux pays étaient récemment liés par un accord de coopération militaire signé en 2021. 

Dans la situation de crise que traverse la RDC depuis des années, surtout avec la résurgence du M23 en 2021, le soutien du Rwanda au groupe rebelle est connu et documenté. La nouveauté, c’est le soutien de l’Ouganda mis en relief par un nouveau rapport des experts de l’ONU mandatés par le Conseil de sécurité au sujet des violences qui secouent l’est de la RDC.

« Un support actif »

Selon le rapport, le soutien de l’Ouganda au mouvement rebelle est multiforme. D’abord, les autorités ougandaises ont laissé les troupes du M23 ainsi que leurs alliés rwandais traverser leur territoire sans coup férir. Un mouvement de troupes qui n’a pas pu échapper à la vigilance des services de renseignements ougandais. Suffisant pour que les experts parlent d’« un support actif » de certains officiers ainsi que des renseignements militaires ougandais.

De plus, des responsables du groupe armé séjournent régulièrement en Ouganda sans être inquiétés. Le rapport évoque par exemple le cas du chef militaire du M23, Sultani Makenga, qui s’est rendu plusieurs fois au cours de cette année dans les villes d’Entebbe et de Kampala. Même chose pour le chef de l’Alliance Fleuve Congo – un groupe impliquant le M23 -, Corneille Nangaa, basé pendant un temps dans la capitale ougandaise où il a même rencontré des représentants d’autres groupes armés qui opèrent en RDC.

Une lutte commune contre les ADF

Ce soutien de l’Ouganda au M23, démontré par le rapport, suscite des interrogations quant aux réelles intentions des autorités de Kampala vis-à-vis de celles de Kinshasa. Ceci d’autant plus que les deux pays ont signé, dans un passé récent, un accord de coopération militaire. En effet, en décembre 2021, le ministre congolais de la Défense et son homologue ougandais ont signé à Bunia, ville située dans la province de l’Ituri, frontalière avec l’Ouganda, un accord de coopération militaire entre les deux pays.

« Ayant des ennemis communs (ADF/MTM, résidus LRA, Ex-M23 résiduels), il nous importe de travailler ensemble pour mutualiser nos efforts, ainsi que nos moyens, en vue de neutraliser tous ces ennemis d’une part, et de promouvoir le développement économique et le bien-être de nos populations d’autre part », avait soutenu le ministre congolais de la Défense, Gilbert Kabanda. Mieux, l’accord visait aussi à « examiner, amender et signer l’accord général de coopération en matière de défense, afin d’assumer le passif et de progresser vers une coopération intégrale de défense entre la République démocratique du Congo et l’Ouganda », avait martelé l’officiel congolais.

Des soupçons confirmés

La signature de cet accord légitimait la présence de soldats ougandais déployés une semaine plus tôt sur le sol congolais dans le cadre de la lutte commune contre les rebelles ADF, qui ont fait depuis 1995 des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri leurs bases où ils sèment la mort et d’où ils attaquent leur pays d’origine, l’Ouganda. D’ailleurs, ce déploiement de militaires ougandais en RDC n’était pas bien perçu par une frange de la population congolaise qui a encore en mémoire les années d’occupation de l’armée ougandaise et ses exactions contre les civils, à la fin des années 1990.

Ces derniers mois, la méfiance a également gagné les autorités de Kinshasa, qui ont commencé à soupçonner les Ougandais de collusion avec le M23. Le rapport des experts de l’ONU vient confirmer ces soupçons, mettant en lumière le double jeu des autorités ougandaises dans la crise sécuritaire à l’est de la RDC.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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