Le bras de fer entre Marc Ravolamanana et Andry Rajoelina a conduit Madagascar à l’instabilité politique. Depuis lundi, les émeutes survenues en marge du grand rassemblement organisé par le maire d’Antananarivo contre le président malgache a fait, selon un dernier bilan, au moins 100 morts. Les pillages des commerces ont affaibli une économie déjà très instable. Le pays, touché par la dévaluation, reste dépendante des investisseurs étrangers et n’arrive pas se débarrasser de la mainmise économique de Marc Ravalomanana. A Madagascar, 70% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté.
L’instabilité politique qui règne à Madagascar risque d’affaiblir l’économie. Le gouvernement et les entreprises craignent que les investisseurs nationaux et internationaux désertent la grande île. « En deux jours, les sociétés malgaches ont enregistré une baisse de leurs chiffres d’affaires plus importante que durant la crise de 2002, qui avait duré plusieurs mois », a affirmé à Afrik.com, Joséphine Andriamamonjiarison, la vice-présidente du groupement des entreprises de Madagascar (GEM). En 2002, la victoire contestée de Marc Ravalomanana, l’actuel président malgache, sur Didier Ratsiraka avait plongé le pays dans un marasme économique. Le premier port du pays situé à Toamasina, le lieu d’acheminement de la majorité des marchandises et surtout, l’unique point d’ancrage sur la grande île, avait même été bloqué.
Madagascar en crise
Pour sa part, le ministre malgache de l’Economie, du Commerce et de l’industrie se veut rassurant. Ivohasina Razafimahefa a réaffirmé, dans un communiqué diffusé jeudi, sa volonté de reconstruire le pays et de poursuivre les actions de promotion à Madagascar. Il devrait d’ailleurs organiser, vendredi, une rencontre avec les opérateurs, victimes des saccages, afin d’établir les mesures nécessaires pour les soutenir dans les reprises de leurs activités. « La reconstruction des infrastructures endommagées débutera dans un futur proche », a-t-il lancé. Un optimisme qui ne semble pas convaincre Joséphine Andriamamonjiarison. Depuis lundi, de nombreux commerces ont été pillés et vandalisés par les émeutiers en marge d’un rassemblement organisé par le maire d’Antanarivo, Andry Rajoelina contre le régime de Marc Ravalomanana. Selon un dernier bilan annoncé vendredi par Niels Marquardt, l’ambassadeur des Etats-Unis à Madagascar, ces soulèvements auraient fait au moins 100 morts.
La dépendance aux investisseurs étrangers
Selon la vice-présidente du GEM, 10 000 Malgaches auraient perdu leur emploi rien que dans la capitale. « J’aimerais être optimiste et dire que la situation va s’arranger, mais je crains le pire. Il faut que le pays se reprenne. On a réussi après 2002 à faire revenir les investisseurs étrangers à Madagascar mais je ne sais pas si, cette fois, on va y arriver », confie Joséphine Andriamamonjiarison. « La crise économique mondiale a affaibli le pays. Les exportations ont considérablement diminué, les cours des matières premières également. Les chantiers miniers sont fermés car les investissements n’arrivent pas », ajoute-t-elle. Madagascar est très dépendant des investisseurs étrangers. La grande île suscitait, depuis quelques années, la convoitise des grands groupes internationaux, intéressés par son sous-sol très riche en nickel et en uranium et par sa main d’œuvre bon marché
Depuis 2007, le Canada est le premier investisseur devant la France. Cette même année, les investissements directs étrangers venant du secteur privé canadien se sont accrus de 800%. Cette tendance est due à une ouverture progressive de Madagascar à tous les investisseurs depuis l’arrivée au pouvoir de Marc Ravalomanana en 2002. En outre, cette tendance devrait continuer car la Corée du Sud et la Chine sont de plus en plus présentes dans l’île notamment dans la recherche pétrolière, l’agriculture et les travaux publics. Selon le quotidien britannique FinancialTimes paru le 19 novembre dernier, le gouvernement aurait donné, en juillet 2008, à la multinationale sud-coréenne Daewoo Logistics 1,3 million d’hectares (soit l’équivalent de la moitié des terres arables de la Grande île) pour une durée de 99 ans afin d’y cultiver du maïs et des palmiers à huile à destination de Séoul. Une décision vivement critiquée par les malgaches dont 70% vivent sous le seuil de pauvreté.
Le protectionnisme made in Marc Ravalomanana
La mainmise économique de Marc Ravalomanana sur le pays ne participe pas plus à l’amélioration des conditions de vie de la population. Selon une source jointe par Afrik.com, l’homme d’affaires possèderait sur le marché alimentaire, les grandes enseignes “Tiko” et “Magro” et un complexe hôtelier. Il viendrait également de se lancer, récemment, dans le secteur du pétrole et de la télécommunication. Le président compte lui aussi bénéficier des ressources de son pays. Et, Marc Ravalomanana pratique sans vergogne le protectionnisme pour empêcher qu’on lui fasse concurrence. Résultat, les prix des produits de premières nécessités ne baissent pas.
«Tous les entrepreneurs qui ont tenté de percer ses marchés se sont retrouvés dans les cas suivants : pour accéder au marché ils ont dû céder une part ou un pourcentage de l’entreprise, en cas de refus les entrepreneurs ont été interdits de séjour sur le territoire malgache ou mis en prison pour le non paiement de la taxe exorbitante imposée par l’Etat », indique cette même source.
Outre l’instabilité politique qui règne dans le pays depuis ces derniers jours. Les émeutes provoquées par l’affrontement entre Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina ont aggravé une situation économique déjà bancale.
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