Les experts sont unanimes. L’Afrique sera durement frappée par la récession. Et la crise économique aggrave et approfondit d’autres crises internes préexistantes. Pourtant, aucun plan de relance digne de ce nom n’a encore été ébauché. Le continent pourrait très bientôt vivre des heures terribles. Mais, si les efforts suffisants étaient consentis, cette récession mondiale pourrait être l’occasion d’entreprendre une réforme radicale des économies africaines qui, à terme, permettrait au continent de se relever.
« Lorsque la reprise arrivera, les pays africains repartiront beaucoup plus lentement », déclarait Donald Kaberuka, président de la Banque Africaine de développement, le mois dernier. Le Fond Monétaire International, dans son rapport sur la stabilité financière mondiale rendu publique le 21 avril 2009, chiffre la facture de la crise à 4054 milliards de dollars du fait de la dépréciation entre 2007 et 2010 des actifs des banques, assurances et autres institutions financières américaines (2.712 milliards de dollars), de la zone euro et Royaume-Uni (1.193 milliards de dollars) et japonaises (199 milliards de dollars). Des sommes astronomiques…
Le rapport stigmatise aussi le manque d’audace, d’imagination et surtout la lenteur des Etats dans la gestion de la crise. En filigrane, il s’agit de la timidité de leur plan de relance face la plus grande récession depuis 60 ans. L’Afrique n’échappe pas à cette observation… L’absence de plans de relance est crainte. Cela est d’autant plus inquiétant, que les prévisions du FMI pronostiquent un recul de 1,3 % du PIB mondial en 2009. Et surtout, une chute de 11% du commerce mondial. Cette baisse affecte les pays exportateurs des matières premières (Russie en tête), des produits manufacturés (Japon, Allemagne).
L’absence de plan de relance audacieux en Afrique
Cependant, c’est l’un des paradoxes de ce « Panorama Economique Mondial » du FMI : malgré la chute des échanges internationaux, les pays africains, pourtant prisonniers des fameuses matières premières, connaîtraient une croissance de 2% en 2009. Faut-il traduire qu’ils sont protégés de la crise financière internationale du fait de leur faible insertion dans l’économie mondiale ? Drôle d’atout économique…
Paradoxe des paradoxes : si les pays africains « résistent » mieux que les nations développés, pourquoi alors les classer parmi « les pays les plus vulnérables » pour reprendre le vocabulaire du G20 de Londres ? Pourquoi le FMI double-t-il les possibilités d’emprunts des cinquante pays les plus pauvres de la planète dont quarante du Continent ? Il s’agit d’une « aide » puisque le FMI prête en dessous des prix des marchés financiers. Il est le prêteur « en dernier ressort ».
Quoi qu’il en soit, l’Afrique n’est pas protégée par on ne sait quel bouclier de la pauvreté et de la misère. En effet, la nation arc en ciel de Mandela, la plus puissante économie du Continent, membre du G20, s’est crue à l’abri de la crise mondiale. Elle n’avait pas connu de récession depuis 17 ans (1992). Elle se croyait immunisée contre la crise grâce à deux armes qu’elle croyait absolues, inventeés par son brillant ministre des finances Manuel Trover, lequel devrait conserver cette fonction dans le prochain gouvernement du nouveau Jacob Zuma. Histoire de rassurer les marchés financiers et les milieux d’affaires… D’une part, sa politique stricte de régulation de change. Et d’autre part, sa prudence face au fameux « subprimes », des « actifs toxiques », qui sont à l’origine de l’effondrement du système financier international. Aucun pays du Continent n’y échappera. En 2009, le FMI annonce un recul de 0,3% du PIB de l’Afrique du Sud. On pronostique la reprise de la croissance économique pour 2010, à l’occasion de cet évènement planétaire qu’est la Coupe du monde de football. Toutefois, Il y a des risques, que « les plus vulnérables » deviennent des vrais PVD : des pays en voie disparition. La Somalie en est la caricature :« le pays, le plus dangereux du monde ». Un trou noir… En effet, on a pas touché le fond… Les crises institutionnelles à répétition bloquent tout. Elles interdisent tout développement. Toute relance économique…
Le pire est devant nous
En effet, la crise mondiale aggrave et approfondit d’autres crises internes préexistantes. Tout d’abord, la crise alimentaire. Ainsi, d’autres émeutes de la faim sont à venir. Du reste, nul hasard si l’agriculture est désormais une nouvelle priorité du G8, les pays les plus industrialises du monde. Michel Barnier, ministre français de l’Agriculture, exprime avec une franchise inhabituelle ce nouvel impératif géopolitique : « on ne peut pas se limiter à parler d’agriculture et d’alimentation seulement à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Si le commerce suffisait à supprimer la faim en Afrique, cela se saurait ». Le G8 veut désormais lutter contre les pénuries alimentaires et la volatilité des prix des produits agricoles. Par conséquent, contre la spéculation financière. Voilà qui est nouveau en parole. Entendant les actes… La crise mondiale est passée par là. Un dogme éculé est pulvérisé…
Dans le même registre, 200 millions d’euros vont être investis dans l’agriculture africaine par l’Agence française du développement, la Banque africaine de développement, le Fond international pour le développement de l’agriculture et la fondation de Koffi Ananan , « Alliance pour la révolution Verte ». A terme, cette somme de 200 millions d’euros sera portée à 500 millions d’euros ont annoncé les promoteurs de cette initiative anti-crise. Autre catastrophe qui se profile : la crise sanitaire. La récession planétaire, tel un ouragan pourrait emporter les politiques de santé publique, plus particulièrement de lutte contre le Sida, entreprises depuis des années. C’est ce cri d’alarme que lance Michel Kazatchine, directeur exécutif du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (trois pandémies qui touchent gravement l’Afrique. Il déclare que la crise « affecte les pays riches et je suis inquiet à propos de leur capacité à remplir les engagements en matière d’aide au développement. Nous perdrons beaucoup des acquis réalisés ces 6 à 8 dernières années, si les efforts ne sont pas soutenus ». Le pire est devant nous.
La crise financière internationale induit mécaniquement une réduction de l’aide publique au développement. En tous les cas, un redéploiement de celle-ci. L’urgence l’oblige… Avec la crise, les priorités changent. Voir s’inversent. Cette crainte, cette menace n’est pas exclure. Cependant, cette récession mondiale est l’occasion d’entreprendre une réforme radicale des économies africaines. De procéder à des changements structurels. De faire des nouveaux choix de stratégie d’insertion dans le nouveau monde global qui en train de surgir de la crise. On oublie souvent que la Régulation prônée par le nouveau FMI, qui a pris forme au G20 de Londres, suppose des règles du jeu et des instituions solides capables justement de réguler.
La mutation instinctuelle précède toujours la révolution économique. Les « quatre modernisations » de Deng Xiao Ping ont hissé la Chine en 30 ans -seulement- au rang de grande puissance économique. Et selon le FMI, elle résisterait à la violente récession qui secoue la planète Terre. Mais d’ores et déjà, les ministres des finances des treize pays asiatiques réunis à Bali ont annoncé la création d’un fond d’urgence de 120 milliards de dollars, une ligne de crédit d’urgence pour aider les pays asiatiques en cas de crise. Le Japon, la Chine et la Corée du Sud sont les principaux bailleurs de fonds.
Faire face à la crise mondiale, tel est le seul impératif pour l’Afrique…
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Bolya Baenga, est un écrivain congolais. Ses derniers ouvrages parus sont «Afrique, le Maillon Faible » (2002) et « La Profanation des vagins (2005) aux Editions Le Serpent
à plume.