Crise migratoire sans précédent : Lampedusa et les Canaries mettent l’Europe sous pression


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Migrants dans une embarcation
Des migrants dans une embarcation

La Méditerranée et l’Atlantique sont le théâtre d’une crise migratoire majeure, avec des arrivées massives de migrants sur les îles de Lampedusa en Italie et des Canaries en Espagne. Ces deux points d’entrée en Europe font face à une pression sans précédent, mettant en lumière les défis humanitaires et politiques liés à la gestion des flux migratoires.

Lampedusa : une situation critique et persistante

Lampedusa, petite île italienne proche des côtes tunisiennes, connaît une augmentation constante des arrivées de migrants. Selon les dernières informations d’InfoMigrants en date du 27 août 2024, la situation ne cesse de s’aggraver. Dans la seule nuit du 26 au 27 août, 110 migrants sont arrivés sur l’île, s’ajoutant aux 500 personnes débarquées le week-end précédent. Cette nuit-là, sept embarcations ont atteint les côtes de Lampedusa, chacune transportant entre 14 et 30 migrants. Ces personnes venaient principalement de Libye, notamment des villes de Homs, Sabratha et Tajoura, ainsi que de Tunisie, en particulier de Djerba et Sidi Jmour.

infographie de infomigrants
infographie de infomigrants

La gestion italienne

Après leur arrivée à Lampedusa, le parcours des migrants s’avère complexe et souvent précaire. Le centre d’accueil de l’île, conçu comme un point de transit temporaire, se trouve rapidement dépassé par l’afflux constant de nouveaux arrivants. Les autorités italiennes s’efforcent de transférer rapidement les migrants vers d’autres structures d’accueil sur le continent.

Une fois sur le continent italien, les migrants sont dirigés vers des centres d’identification et d’expulsion (CIE) ou des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CARA). Là, ils entament un long processus de demande d’asile ou de régularisation de leur situation. Le processus peut s’étendre sur plusieurs mois, voire des années, laissant de nombreux migrants dans un état d’incertitude prolongé.

Face à cette situation, le gouvernement italien a intensifié ses négociations avec les pays d’origine des migrants pour faciliter les retours volontaires ou les expulsions des personnes dont la demande d’asile a été rejetée.

Des conditions d’accueil indignes

Parallèlement, l’Italie a appelé à une plus grande solidarité européenne dans la gestion de cette crise. Le pays plaide pour une réforme du système de Dublin, qui fait actuellement porter la responsabilité de l’accueil des demandeurs d’asile au premier pays d’entrée dans l’Union Européenne. Cette situation place une pression disproportionnée sur les pays frontaliers comme l’Italie, l’Espagne et la Grèce.

Malgré ces efforts, la situation reste tendue. De nombreuses ONG critiquent les conditions d’accueil dans certains centres, pointant du doigt le manque de ressources et la surpopulation. Elles soulignent également les risques d’exploitation auxquels sont exposés les migrants en situation irrégulière, notamment dans le secteur agricole du sud de l’Italie.

Les Canaries : une nouvelle route migratoire majeure

Pendant ce temps, l’archipel des Canaries est devenu la principale porte d’entrée des migrants vers l’Espagne et l’Europe. La situation y est tout aussi critique qu’à Lampedusa. Entre le 1er janvier et le 15 août 2024, plus de 22 000 migrants sont arrivés aux Canaries, ce qui représente une augmentation de plus de 120% par rapport à la même période en 2023. Les prévisions pour la fin de l’année 2024 sont alarmantes, avec des estimations allant de 40 000 à 50 000 arrivées attendues.

Cette route migratoire, bien que considérée comme l’une des plus dangereuses au monde, est de plus en plus empruntée. Les traversées peuvent atteindre  1 500 kilomètres et durer plusieurs semaines. Les migrants partent du sud du Maroc, du Sénégal, de Mauritanie ou de Gambie, bravant les dangers de l’océan Atlantique. Les conséquences humaines de ces voyages périlleux sont dévastatrices. Selon l’ONG espagnole Caminando Fronteras, on dénombre en moyenne 33 morts par jour, soit plus de 5 000 victimes sur les cinq premiers mois de l’année.

Les raisons de cette augmentation

Plusieurs facteurs expliquent l’intensification des flux migratoires vers ces îles. Tout d’abord, le renforcement de la surveillance en Méditerranée a poussé les migrants vers des routes alternatives, notamment celle des Canaries.

De plus, les crises politiques qui secouent l’Afrique de l’Ouest, particulièrement dans la région du Sahel, ont provoqué une augmentation des départs. Enfin, la crise économique qui a suivi la pandémie de Covid-19 a poussé de nombreux Africains à chercher de meilleures opportunités en Europe, alimentant ainsi les flux migratoires.

Réponses politiques et humanitaires

Face à cette crise, les gouvernements espagnol et italien cherchent activement des solutions. Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a entrepris un déplacement de trois jours en Afrique occidentale, visitant la Mauritanie, le Sénégal et la Gambie. L’objectif de ce voyage est de négocier de nouveaux accords pour freiner les départs de migrants. Cependant, les efforts précédents n’ont pas porté leurs fruits. En février, l’Espagne et l’Europe avaient déjà fourni une aide de plus de 200 millions d’euros à la Mauritanie, mais sans résultats probants.

De son côté, l’Italie ne cesse d’appeler à une plus grande solidarité européenne pour gérer les flux migratoires, soulignant l’incapacité d’un seul pays à faire face à un tel défi.

Cette crise migratoire sans précédent met en évidence les défis structurels auxquels l’Europe est confrontée en matière de gestion des migrations. Il apparaît clairement que des solutions à long terme, basées sur la coopération internationale, la solidarité et le respect des droits de l’homme, sont plus que jamais nécessaires pour faire face à cette situation complexe et durable.

Masque Africamaat
Kofi Ndale, un nom qui évoque la richesse des traditions africaines. Spécialiste de l'histoire et l'économie de l'Afrique sub-saharienne
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