L’Afrique demeure terriblement silencieuse face à la crise financière qui secoue le reste de la planète depuis août dernier. Certains analystes s’en émeuvent peu, persuadés qu’elle sera épargnée. Pourtant, rien n’est moins sûr…
« Malgré les menaces que pèsent sur le système financier mondial, les ressources en devises du Nigeria sont en sécurité et les banques ne courent aucun risque et sont sures » affirme, péremptoire, le gouverneur de la Banque Centrale du Nigeria, le Professeur Chukuwama Solido. Et il ajoute : « qu’il n’y a véritablement aucune raison de s’inquiéter outre mesure, car tous les indicateurs montrent que l’économie se porte bien ». On l’avait compris. On est dans « le Meilleur des Mondes ». Une conception idyllique de l’économie mondiale et surtout de l’Histoire.
Un autre universitaire, le docteur Baghdadi Mahmoudi, secrétaire générale du comité populaire de Libye affirmait que son pays n’a pas subi des dommages de la crise financière mondiale. Et il prédit une stabilisation du prix du pétrole autour de 100 dollars. Malheureusement, l’économie réelle existe et elle n’est pas virtuelle. Ce n’est pas un jeu vidéo… Comme dit le proverbe japonais : « un jour de perdu, c’est un siècle de perdu » ; plus grave : « si vous perdez un point, vous perdrez tous les points ».
Aussi, tenter de rassurer les marchés financiers par des discours lénifiants et enjôleurs est inutile et dangereux. La négation du réel n’est pas la solution aux crédits « toxiques », et le délire négateur est une fuite en avant. Malheureusement, celle-ci ne retarde pas l’échéance fatale…
La crise financière mondiale n’épargnera pas l’Afrique
En effet, comme le rappelle à juste titre l’économiste brésilien Guido Montega : « la thèse selon laquelle il n’y aurait pas de contagion ne tient pas. Il y a des conséquences importantes. La crise s’étend à tous les pays émergents. Tous Etats doivent l’affronter ». Aucune nation africaine ne sera épargnée comme tous les pays de la planète Terre. On est en face d’une crise globale.
Pays émergent, le mot est lâché. Pour l’instant, seule l’Afrique du Sud est pays émergent. L’Angola, avec 21% de croissance économique en 2007 (le record mondial). Certes, cette performance est liée à la flambée du prix du baril du pétrole. Mais maintenant, ce prix dégringole… La récession générale et durable s’installe… Elle n’épargnera pas par miracle l’Afrique. « La prospérité n’est pas au bout de la rue ». Les chimères et autres fantasmes idéologico- culturels ne sont pas des digues invulnérables Elles n’arrêteront rien ! Bien au contraire ! Le temps des discours contreproductifs est fini… Le tsunami financier ne contournera pas l’Afrique. Car, la crise financière est structurelle et durable. Et sans une révision déchirante des stratégies de développement des pays du Continent et une intelligence de la globalisation. Sans jamais oublier qu’il n’y a pas de « Mondialisation heureuse ». C’est du reste cet horrible silence de l’Afrique face à la crise financière mondiale. Résonne comme une démission devant ce beau challenge qu’offre cette fantastique mutation du monde.
Le silence, c’est la mort certaine du continent
Le patron du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn annonce que : « le pire dans la crise financier est à venir ». Il ajoute que : « l’époque où le FMI savait tout et les autres rien est révolu ». Un immense changement de paradigme…
Le silence, c’est la mort ! Le silence tue ! Le silence, c’est l’autre nom de la « pauvreté absolue de masse », la garantie de la pérennité du Sous-développement et même d’une prime certaine à la fatalité et à la barbarie.
En effet, comme précise le professeur d’économie Mustapha Kassé, de l’Ecole de Dakar : « face à la crise, l’Afrique est sans réaction : elle minimise les Risques, mais ne prend aucunes initiatives à long terme » (crise financière : comment et quels effet sur l’Afrique »). C’est là ou le bas blesse. La négation de l’impact de la crise financière est suicidaire. On tue dans l’œuf l’avenir du Continent et on assassine le futur de l’Afrique.
Le silence mène à la Mort. L’absence de réaction, c’est l’assurance d’être devenus des pays en voie de disparition. En effet, la Crise financière mondiale se conjugue avec la Crise alimentaire mondiale, sans oublier la Crise énergétique mondiale. Tout est mondial… Planétaire!
Bolya Baenga, écrivain congolais, derniers ouvrages parus Afrique, Le Maillon Faible et la profanation des vagins, le Serpent à plume, 2005.
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