« Je voudrais vous faire la proposition d’élargir également le sommet du G 20 aux pays africains du Groupe des vingt quatre (G24) sur les questions monétaires internationales et le développement. L’Afrique du Sud, membre du G20, étant un pays intermédiaire ou un pays émergent, la non participation des représentants des pays pauvres d’Afrique à ce sommet accentuera encore la marginalisation du continent africain. »
Monsieur le Président,
L’aggravation de la crise financière internationale et les risques d’une crise économique généralisée interpellent tous les pays membres des institutions de Bretton Woods, développés, émergents, ou en développement. La crise financière actuelle met l’économie mondiale dans une situation extrêmement critique. Les perturbations des marchés financiers et bancaires induisent en effet des conséquences économiques qui anéantiront les efforts de développement des pays pauvres. Leur marge de manœuvre en matière de gestion de la politique économique pourrait se réduire, en raison de la diminution attendue des ressources pour le financement des petites et moyennes entreprises, de la réduction des crédits à l’économie, de la baisse probable des cours des matières premières ainsi que de la réduction prévisible de l’aide publique au développement et des flux d’investissements directs étrangers. Les risques d’aggravation de la pauvreté et le ralentissement de la croissance économique, voire de récession économique, sont donc bien élevés.
Je voudrais me féliciter de la réaction prompte et diligente de la communauté internationale face à la crise, notamment sous l’impulsion et le leadership de la République française. Les mesures immédiates prises pour le renforcement des prêts interbancaires et des fonds propres des établissements bancaires et financiers en difficultés de même que les dispositions arrêtées lors des récentes assemblées annuelles de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International à Washington pourraient, à court terme, rétablir la confiance des agents économiques et assurer la stabilité des marchés bancaires et financiers.
Des mesures pour une solution durable à la crise financière internationale doivent être par ailleurs envisagées. Le moment semble bien propice pour mûrir la réflexion sur la réforme des Institutions de Bretton Woods, dont les fondements datent de plus de 60 ans, et pour rétablir leur crédibilité aux yeux de l’opinion. L’humanité a besoin d’apporter une réponse efficace et durable à la vulnérabilité des marchés financiers internationaux, et par ailleurs, de soutenir les activités économiques dans le monde. Je voudrais, à cet égard, saluer l’initiative prise par l’Europe et soutenue par l’Amérique du Nord et l’Asie, de réunir dans les tout prochains jours un sommet mondial pour refonder le système monétaire et financier international et aboutir à une architecture qui garantisse le développement à moyen et long terme de toute l’humanité.
Au Bénin, notre perception est que les dysfonctionnements des marchés financiers internationaux appellent une supervision mondiale plus efficace et des mesures préventives devant protéger l’économie mondiale.
Si les économies développées se sont ressenties des effets pervers de l’instabilité permanente des monnaies et des marchés financiers, les économies en développement notamment les plus pauvres n’en n’ont pas moins souffert, non seulement des fluctuations des monnaies mais du dysfonctionnement du système financier actuel. Garant de la surveillance de la stabilité des changes, le Fonds Monétaire International est caractérisé par un fonctionnement dissymétrique et même asymétrique au détriment des économies les plus pauvres de la planète.
L’aptitude du FMI à soumettre les pays pauvres aux politiques conditionnelles, à l’utilisation de ses ressources tranche largement avec son incapacité à faire adopter la vertu à certaines économies développées en déséquilibre qui ne recourent pas à ses ressources. Le dossier relatif au développement des subprimes aux Etats-Unis d’Amérique en est une parfaite illustration.
Les conditionnalités du FMI ont souvent été sanctionnées par le quasi abandon de l’Etat, dans son rôle stratégique, même en période de crise, pour redonner confiance et relancer la croissance économique.
Toujours soumis à des rappels à l’ordre du FMI, les pays africains ont beaucoup souffert de ce dysfonctionnement asymétrique du FMI.
Pour tenir compte de ce qui précède, je voudrais vous faire la proposition d’élargir également le sommet du G 20 aux pays africains du Groupe des vingt quatre (G24) sur les questions monétaires internationales et le développement. L’Afrique du Sud, membre du G20, étant un pays intermédiaire ou un pays émergent, la non participation des représentants des pays pauvres d’Afrique à ce sommet accentuera encore la marginalisation du continent africain.
En effet, les pays africains ont grand besoin d’être accompagnés par la communauté internationale dans leurs efforts pour la stabilisation du cadre macroéconomique, l’accélération de la croissance économique, l’amélioration des conditions de vie des populations et l’éradication de la pauvreté. A ce titre, la prise en compte de cette proposition confirmera la bonne disposition de la communauté internationale à ne pas laisser le continent africain en marge des initiatives en cours pour trouver une réponse appropriée aux perturbations actuelles des marchés financiers qui affectent tous les pays du monde, riches comme pauvres.
Oui, l’Afrique a besoin d’un accroissement de l’aide publique au développement. Vous l’avez promis. Son implication aux initiatives pour améliorer l’avenir du monde la réconfortera et l’épargnera de sa marginalisation actuelle.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.
Dr Boni YAYI, président de la République du Bénin
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