Le ministre belge des Affaires Etrangères est au cœur d’une nouvelle crise entre la République Démocratique du Congo et la Belgique. Lors d’une visite au Rwanda, Karel de Gucht a vertement critiqué la classe politique congolaise. Pour protester contre ces déclarations, Kinshasa a rappelé son ambassadeur en poste à Bruxelles.
Par Octave Kambale Juakali
Une scène de ménage en plus entre la Belgique et la République Démocratique du Congo (RDC), pourrait-on dire. Kinshasa vient de rappeler, en consultation, son ambassadeur en poste en Belgique à la suite d’une brusque montée de tension entre les deux pays. A l’origine de cette décision, les déclarations jugées inamicales du ministre belge des Affaires Etrangères à l’endroit de la classe politique congolaise. En effet, lors de sa tournée en Afrique Centrale, et plus précisément à l’étape de Kigali au Rwanda, M. Karel de Gucht avait déclaré « avoir rencontré au Congo peu de responsables politiques qui [lui] ont laissé une impression convaincante ».
Un discours qu’il a répété devant le Parlement belge, allant même jusqu’à dire que « même un état en minuscule et entre guillemets serait déjà un grand progrès ». Pour Kinshasa, le fait que le ministre belge ait choisi le Rwanda, pays virtuellement en guerre contre la RDC, pour exprimer ses impressions n’est pas innocent : le ministre belge avait, à la même occasion, loué les qualités de gestionnaires des hommes politiques rwandais.
Les Congolais reconnaissent qu’il y encore du travail
Il est difficile, à l’heure actuelle, de savoir quelle tournure va prendre l’actuelle crise. Mais pratiquement tous les Congolais désapprouvent le comportement du ministre belge des Affaires Etrangères. « Nous savons, de par nous-mêmes, que rien n’est parfait dans notre démarche pour la restauration d’un Etat de droit, s’est insurgé M. Simanga Ngovi, sénateur. Sur ce chapitre, le ministre belge ne nous apprend rien. Par contre, c’est M. Karel de Gucht qui s’est très peu comporté comme un homme d’Etat en faisant de pareilles déclarations sur un pays étranger dans un pays étranger. »
Le débat est sur toutes les lèvres à Kinshasa. Certains sont franchement contre le comportement du ministre belge. D’autres trouvent des raisons objectives pour condamner les hommes politiques congolais. Dieudonné Tombe, professeur d’université, estime qu’ils ont besoin d’être bousculés par ce genre de déclarations pour corriger leur façon de gérer les affaires de l’Etat. « En dépit de plusieurs crises et guerres, supposées ramener la bonne gouvernance et la démocratie, les acteurs politiques congolais sont malheureusement restés les mêmes. Les Kabilistes ont remplacé les mobutistes dans les différents postes de responsabilité, mais la manière de gérer les affaires de l’Etat n’a pas changé. »
Très peu de choses ont réellement changé en dépit des déclarations officielles sur la nécessité d’instaurer un Etat de droit. « Tous les hommes actuellement au pouvoir, en commençant par le Président de la République, ne cessent de dire leur détermination à aller aux élections dans les délais. Mais, visiblement, personne n’est réellement déterminé à faciliter la réalisation de cet objectif », estime Honorine Kalala, députée. Une allusion au scandale qui défraie la chronique en ce moment en RDC et qui révèle que les salaires mensuels des PDG d’entreprises publiques varient entre 6 000 et 25 000 dollars.
Bruxelles reconnaît l’écart de langage
Kinshasa ne va sûrement pas rompre avec Bruxelles mais la brouille est sérieuse. Cinq années d’efforts personnels de Louis Michel pour retisser la coopération entre la Belgique et son ancienne colonie risquent d’être réduits à néant. Le Premier ministre belge, M. Guy Verhofstadt, a heureusement reproché publiquement « les écarts de langage » de son ministre des Affaires Etrangères. Autre preuve positive, la Belgique envoie en RDC son ministre en charge de la Défense. M. André Flahaut est attendu à Kinshasa, le 28 octobre 2004, dans le cadre de la coopération militaire entre les deux pays. M. Flahaut est plus optimiste que son collègue des Affaires Etrangères concernant l’évolution politique en cours en RDC. Selon lui, même s’il y a des choses imparfaites dans la transition en cours au Congo, « cette transition reste la meilleure solution à l’heure actuelle. Il faut poursuivre le partenariat militaire ».
A Kinshasa, la brouille a réchauffé les antagonismes politique. L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) a été la seule formation politique à approuver les déclarations du ministre belge des Affaires Etrangères. Vendredi, elle a organisé une marche de protestation contre certaines velléités du pouvoir tendant à faire prolonger la transition. Dans un message publié dans la presse congolaise, l’UDPS/Benelux félicite le ministre belge « pour la lucidité et le discernement avec lesquelles vous avez pu, en si peu de temps, procéder à un examen clinique méticuleux sur le malade Congo et ses gouvernants actuels ainsi que pour le courage politique qui vous a habité pour l’annoncer sans hypocrisie ».