Pour la énième fois, la Centrafrique vit une grave crise. Les rebelles du Séléka, qui contrôlent les trois quart du pays, réclament la démission du président Bozizé. Les Centrafricains, eux, vivent quotidiennement dans la peur. Epuisés par les soubresauts récurrents de leur pays, ils sont nombreux à réclamer l’intervention de la France pour sortir leur pays de l’impasse. Afrik.com a recueilli leurs témoignages.
La peur. Les Centrafricains la ressentent tous. Elle est encore plus présente, en raison de la crise actuelle. Il est toujours difficile de les amener à se livrer sur la situation de leur pays. La plupart refusent de parler de la politique et du régime en place par peur des représailles et d’être mis sur écoute. Ici, pas question d’émettre la moindre critique contre le président Bozizé. Certains ont néanmoins osé se confier, à condition toutefois qu’on modifie leurs noms.
Epuisés par les troubles qui touchent régulièrement leur pays, les Centrafricains sont à bout de souffle. « La Centrafrique est une jungle ! Rien ne va ici. Nous sommes fatigués de ces crises politiques à répétitions ! Tous les cinq, huit ans, c’est la même chose ! », fustige Dolomo, 32 ans, étudiant en sciences économiques et sociales. « Quelle est la raison de ces nouveaux troubles ? On ne le sait même pas », questionne le jeune homme. Le plus grave, selon lui, « c’est que les Centrafricains ne savent pas pourquoi il y a des échauffourées, des manifestations un peu partout dans le pays ! ».
Comme certains de ses compatriotes, Dolomo est aussi prêt à soutenir les rebelles s’ils ont un projet précis pour sortir le pays de ce bourbier : « En Afrique, il y a partout des révoltes, mais les raisons sont claires sauf en Centrafrique. Les rebelles n’ont qu’à dire leurs revendications ! Le problème est que les Centrafricains ne savent pas régler les problèmes autrement que par la brutalité, ce qui cause des dommages énormes au pays et retarde son développement ». Il pointe aussi du doigt le manque de conscience politique des étudiants, censés tirer le pays vers le haut : « Chacun reste dans son coin. Personne ne veut se mêler de la politique par peur de la répression du régime ! »
Les activités économiques sont ralenties. Les rues de Bangui, la capitale du pays, sont très peu peuplées. « Il y a des gens qui ne vont même plus au travail ! Les magasins sont fermés, c’est effrayant », constate Christ, 28 ans, étudiant en sciences politiques. « Nous avons peur que les rebelles s’en prennent à nous, qu’ils arrivent sur Bangui. Nous voulons la paix, des négociations », affirme ce pasteur de 30 ans ».
« L’islamisation guette la Centrafrique »
Cette insécurité galopante ne rassure guère les Centrafricains, malgré les mesures prises par le président Bozizé, qui a repris la main sur l’armée, après avoir limogé son fils au ministère de la Défense et le chef d’Etat major. Nombre d’entre eux estiment que la France doit intervenir pour mettre un terme à l’imbroglio politique. C’est le cas de cette assistante de direction de 32 ans : « Nous vivons constamment dans l’angoisse, c’est une peur bleue. Nous sommes des enfants de la France. Nous souhaitons qu’elle intervienne. Il faut qu’elle réagisse ! Comme ça nous serons plus rassurés.»
Même son de cloche pour ce pasteur de 42 ans, qui a quitté récemment la ville de Bambari, sous le contrôle des rebelles, pour Bangui. « La France doit intervenir ne serait-ce que pour protéger les instituions du pays ! » Le pasteur va même plus loin. Selon lui, « un terrible danger guette la Centrafrique à majorité chrétienne : l’islamisation » La plupart « des rebelles du Séléka sont musulmans. Il y a une main extérieure qui est derrière eux. Ils sont originaires de plusieurs nationalités. Certains viennent de Libye, du Soudan, du Tchad », affirme-t-il. « Nous vivons dans l’angoisse. Nous vivons la conquête de l’islam en Centrafrique ! », renchérit-il. D’après lui, « chaque fois que les rebelles sont arrivés dans les villes qu’ils ont prises, ils ont tout détruit : les gendarmeries, les mairies, sauf les boutiques tenues par les musulmans. »
Kaleb, 28 ans, salarié au sein d’une ONG, qui lutte contre le sida, « condamne aussi vivement l’action des rebelles. La paix doit revenir au plus vite dans le pays », estime le jeune homme. « Il est très facile de manipuler la population à majorité analphabète et vivant de l’agriculture. Tous nos partenaires sont en train de partir ! Les Centrafricains ne veulent plus qu’on règle les problèmes par les armes. Même si le régime a des défaillances ce n’est pas la solution ! » Selon lui, « la Centrafrique est encore devenue plus pauvre qu’avant. Les Centrafricains ne mangent pas à leur faim et vivent en majorité en dessous du seuil de pauvreté ! Ils ne mangent qu’un repas par jour ! Et n’ont même pas un dollar par jour pour subvenir à leurs besoins ». Les routes et les hôpitaux sont dégradées, ajoute-t-il. « En Centrafrique on ne vit pas, on survit ! » Une phrase qui résume bien, selon lui, la situation de son pays.