Il est le seul survivant des 16 pères fondateurs de la CEDEAO. Le général Yakubu Gowon était à la tête du Nigeria quand l’organisation régionale a été créée, en mai 1975. Ce mercredi, il a, en cette qualité, lancé un appel à tous les dirigeants de la CEDEAO, les invitant à tout faire pour la sauver du naufrage qui semble imminent.
Face à la profonde crise que traverse la CEDEAO et la menace réelle d’implosion qui pèse sur elle, depuis le 28 janvier 2024, où le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont exprimé leur intention de se retirer, Yakubu Gowon – un des promoteurs avec Gnassingbé Eyadéma de l’idée de la création de la CEDEAO – s’est vu obligé d’intervenir, ce mercredi, pour appeler les uns et les autres au dialogue. À quelques jours du sommet extraordinaire convoqué pour ce samedi.
L’heure est grave et l’appel solennel
«Je lance un appel d’Abuja, sincère et solennel, aux 15 dirigeants actuels des États membres de la CEDEAO», commence l’ancien Président. Et de poursuivre : «Je demande à tous les dirigeants de l’Afrique de l’Ouest d’envisager immédiatement la mise en œuvre des mesures suivantes : levée de toutes les sanctions imposées au Burkina Faso, à la Guinée, au Mali et au Niger ; retrait par le Burkina Faso, le Mali et le Niger de leur avis de quitter la CEDEAO ; la participation des 15 chefs d’État de la CEDEAO à un sommet pour discuter de l’avenir de la communauté, de la sécurité et de la stabilité régionale».
Dirigés par des juntes militaires, le Burkina Faso, la Guinée, le Mali et le Niger sont, depuis plusieurs mois, suspendus de toutes les instances de la CEDEAO. Pis, le Niger, dernier pays du groupe frappé par un coup d’État ploie sous le poids des sanctions extrêmement sévères prises contre lui, depuis le renversement de Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023.
Tout faire pour sauver la CEDEAO
Pour Yakubu Gowon, l’urgence ultime, c’est de sauver l’organisation. Et pour cause : «La CEDEAO est plus qu’une coalition d’États. Ni ma génération ni les générations actuelles ou futures, ne comprendront ou ne pardonneront l’éclatement de notre communauté », insiste-t-il. Yakubu Gowon n’est pas le seul à être, aujourd’hui, dans cette logique qui consiste à tout faire pour sauver la CEDEAO. Plusieurs dirigeants d’États membres ont, avec le temps, et surtout avec le risque de dislocation de la structure qui est réel, changé leur fusil d’épaule.
Au cours d’une conférence de presse qu’il a tenue, il y a quelques jours, le Président béninois, Patrice Talon, par exemple, a été on ne peut plus clair : «Moi, je suis pressé d’enlever les sanctions (…) Nos frères nigériens souffrent plus que nous de ce qui se passe. Et ce sont nos frères et sœurs. Il est temps pour nous de lever ces mesures qui n’étaient pas destinées à durer», a-t-il déclaré. Avant d’ajouter : «Ma position aujourd’hui – et si j’ai l’occasion de l’exprimer au sein de la Conférence des chefs d’État, je le dirai – c’est de tout laisser tomber (…) Pour que cette décision de séparer les peuples n’aille pas plus loin que l’intention ou la déclaration».
Gowon chez Tinubu
Avant de lancer son appel, Yakubu Gowon a été reçu au palais présidentiel par Bola Tinubu. Les deux hommes ont discuté de plusieurs sujets : la situation interne au Nigeria où la population est très mécontente de la cherté de la vie, mais bien évidemment la crise au sein de la CEDEAO. Les deux Présidents ont échangé sur la nécessité pour l’organisation régionale d’œuvrer pour un règlement à l’amiable de la crise. Yakubu Gowon a certainement informé Bola Tinubu de l’appel qu’il s’apprêtait à lancer aux dirigeants de la CEDEAO. Puisque le discours est intervenu après sa rencontre avec le chef de l’État et Président en exercice de la CEDEAO.
Le président de la Commission de la CEDEAO réagit à l’appel de Gowon
Le président de la Commission de la CEDEAO, Alieu Touray, a favorablement accueilli l’appel de Yakubu Gowon. En effet, sa réaction ne s’est pas fait attendre. Alieu Touray a qualifié l’appel de Gowzon de «message puissant». Répondant directement à l’ancien chef d’État, le président de la Commission de la CEDEAO a déclaré : «les dirigeants garderont à l’esprit votre message au cours de leurs délibérations», faisant allusion au sommet du samedi prochain.
La mission désormais confiée aux 12 chefs d’État participant régulièrement aux rencontres de la CEDEAO est particulièrement lourde. Tant les trois pays démissionnaires semblent accrochés à leur position. Réussir à les convaincre de revenir dans l’organisation serait un exploit qui fera date dans l’histoire de la sous-région. Dans le même temps, ce sera un grand pas vers la naissance d’une nouvelle CEDEAO qui ne se contentera plus d’être un syndicat des chefs d’État.