Le gouvernement a ordonné la semaine dernière aux fermiers kenyans de lui vendre toute leur récolte afin que les 2,5 millions de personnes qui souffrent de la faim dans le nord et l’est du pays puissent manger. Mais certains exploitants préfèrent céder leur maïs aux marchands étrangers, qui paient cash et revendent leurs produits au Malawi, également en crise alimentaire, plutôt qu’au gouvernement, qui règle par notes de crédit.
Le patriotisme des fermiers kenyans à l’épreuve de la crise alimentaire. La semaine dernière, le gouvernement a ordonné aux fermiers de lui vendre « tout le maïs disponible dans le pays », afin qu’il puisse nourrir les 2,5 millions de personnes qui souffrent de la faim dans le nord et l’est du pays. Mais selon BBC.com, certains exploitants rechignent à vendre leur maïs au Conseil national kenyan des céréales (NCPB, National cereals and produce board), qui les règle par notes de crédit. Ils préfèrent le céder aux hommes d’affaires tanzaniens, qui payent cash les céréales qu’ils revendent au Malawi ou à la Zambie voisine, également en état de crise alimentaire.
Un « tiens » vaut mieux que deux « tu l’auras »
Dès le début du mois de décembre dernier, le ministère de l’Agriculture avait annoncé un plan doté de 4 à 5 millions de shillings (46 000 à 57 500 euros), par lequel il souhaitait acheter tout le maïs disponible dans le pays à un prix de 1 200 shilling (13,8 euros) le sac de 90 kg. Le directeur du NCPB, Tirop Kosgei, avait précisé que cette année, l’argent allait être mis à disposition par le Trésor avant le début de la campagne d’achat et qu’il n’y aurait pas de retard dans les paiements. Anticipant ainsi sur les craintes des fermiers et sur les risquent de boycott de son institution.
Le mardi 3 janvier, le ministre de l’Agriculture, Kipruto Kirwa, est revenu à la charge en demandant aux agriculteurs de ne pas vendre leur récolte à des négociants au prix de 850 à 950 Shillings, car le Trésor avait promis de bientôt débloquer l’argent nécessaire à l’achat du maïs. Jouant sur la solidarité nationale, il avait estimé qu’il était malheureux que des Kenyans meurent de faim à un endroit du pays alors que d’autres ont la nourriture nécessaire à leur survie. Selon les hôpitaux et la Croix Rouge, au moins quarante personnes, pour l’essentiel des enfants, sont mortes de malnutrition depuis décembre au Kenya.
Le maïs destiné à la famille vendu
Mais la confiance n’est pas là. Selon le quotidien kenyan The Nation, des négociants tanzaniens, dont certains disent avoir été engagés par des ONG, ont « envahi » la région de Trans Nzoia, dans le centre ouest du pays, pour acheter du maïs à expédier au Malawi et en Zambie. Un représentant des fermiers, Tom Nyagechonga, a demandé à ses collègues de ne pas vendre le maïs destiné aux besoins de leur famille, comme le ministre de l’Agriculture leur avait conseillé, arguant qu’aucune région n’était à l’abri de la famine. Mais un chef de village a admis que ce conseil n’a pas toujours été écouté.
L’afflux de négociants a placé les fermiers en position de force et leur a permis de négocier le prix du sac à environ 1 050 Shilling au lieu de 900 habituellement. Selon les autorités, le Kenya a connu une récolte exceptionnelle cette année. Près de 29 millions de sacs seraient disponibles, contre 26 l’année dernière, et pour une consommation nationale de 32 millions. Selon un responsable du NCPB cité par The Nation, l’approvisionnement des dépots de l’organisme ont baissé depuis l’arrivée des négociants. Aucun des sept centres régionaux de l’institution n’était joignable ce jeudi.