Cette année, le festival Gospel et Racines, qui se tiendra du 2 au 8 août prochains à Cotonou, au Bénin, accueille une semaine Créole Attitude. Un espace dédié aux artistes des Caraïbes qui pourront s’y exprimer en toute liberté. Le styliste antillais Paul-Hervé Elisabeth y sera aux avant-postes. Il vient de présenter cette semaine culturelle dans la capitale béninoise.
La troisième édition du festival Gospel et Racines aura lieu à Cotonou du 2 au 8 août. La conférence de presse africaine s’est tenue mardi dans la capitale béninoise. Parmi les invités présents : Paul-Hervé Elisabeth, styliste antillais qui a fait fureur au dernier Festival international de la mode africaine (Fima). Le créateur était venu présenter la semaine Créole Attitude, grande nouveauté de Gospel et Racines 2004.
Afrik : C’est votre premier voyage au Bénin ?
Paul-Hervé Elisabeth : Oui et je trouve que c’est un très beau pays. J’ai eu comme première image la vue d’avion et j’ai été stupéfait par cette vision. Cotonou est une ville immense ! C’est une ville d’avenir et les gens y sont très gentils. Côté organisation du Festival, c’est impeccable. On entend toujours qu’il est difficile d’organiser des choses en Afrique mais ce n’est pas vrai.
Afrik : Parlez-nous de la semaine Créole Attitude…
Paul-Hervé Elisabeth : J’ai participé à la conférence de presse, mardi, avec Valérie John, chercheur et plasticienne, qui travaille sur le thème de l’errance. Nous avons expliqué aux journalistes présents que lors de cette semaine, les Antillais vont montrer ce qu’ils sont devenus après ce grand départ qu’a été l’esclavage. Nous sommes un peuple fait de plusieurs cultures, européenne, africaine, indienne et un peu asiatique et cette fusion doit être représentée. Nous sommes aussi un jeune peuple, en train de créer nos propres repères, d’inventer nos symboles. Par exemple, j’utilise le madras (tissus typique antillais, ndlr) dans mes créations mais jamais à outrance. Le patrimoine créole est moderne, contemporain, et il faut que ça se sache. Avec cette semaine, nous voulons jeter un pont entre les Caraïbes et l’Afrique, pont qui n’existe même pas par avion, puisque pour se rendre en Afrique des Antilles, il faut passer par Paris ! Nous voulons montrer mais aussi prendre. Nous inspirer du Bénin et de l’Afrique. Après le festival, il est évident que mon travail va se modifier, s’enrichir.
Afrik : Quels rapports entretenez-vous avec l’Afrique ?
Paul-Hervé Elisabeth : Je me sens très proche de l’Afrique. Depuis mon premier voyage au Mali en 1998, je vis en nostalgie quand je suis aux Antilles. J’ai l’Afrique au cœur. Je connais très bien le Mali. J’y ai d’ailleurs une famille adoptive et je devrais prochainement obtenir un passeport malien ! C’est la grande aventure de ma vie ! J’ai également participé au dernier Fima, organisé au Niger, qui a été une porte ouverte sur l’Afrique pour mon travail. La Martinique est un peuple métissé. Après l’esclavage et 4 siècles et demi de fracture, que nous reste-t-il, nous, Antillais, de l’Afrique ? Il nous reste beaucoup de choses, notamment la spiritualité.
Afrik : L’Afrique est donc une source d’inspiration…
Paul-Hervé Elisabeth : L’Afrique est comme un laboratoire pour moi et elle est toujours présente, notamment dans le fond de mon travail. Je déverse d’ailleurs tout l’amour que j’ai de l’Afrique aux Antilles, même si certains Antillais ont du mal avec ce continent. Certains ont une attitude de rejet total car pour eux, l’Afrique renvoit aux vieilles chaînes… A travers la mode, je veux réinventer des icônes, dire qu’il n’y a pas seulement l’esclave en Afrique. Il y a aussi le prince, le chasseur, le griot… C’est important pour moi de déverser toute mon émotion, de savoir que la porte du retour est là, qu’elle reste ouverte, c’est comme une issue de secours. Si je vais mal, je sais que je peux y retourner. Nous avons tant de choses en commun. Quand j’ai quitté les Antilles pour venir ici, les flamboyants (arbres aux fleurs rouges, ndlr) étaient en fleurs. Et au Bénin, ils sont exactement au même stade de floraison…