Le Centre national de la danse, à Paris, accueille jusqu’à mercredi deux créations à ne pas manquer. Celle du Tunisien Imed Jemâa, Vivant, rassemblant huit danseurs, et celle de la Française Laurence Rondoni et de l’Egyptien Mohamed Shafik, Hadid, dans laquelle se mélangent danseurs et métallos.
Sur la scène, des métallurgistes s’affairent. Ils soudent des structures métalliques : le bruit emplit l’espace, les éclaboussures de lumière jaillissent. Ouvriers et danseurs travaillent côte à côte la même matière, Hadid, le « métal » en arabe, qui donne son nom à la création de Laurence Rondoni et Mohamed Shafik. Un spectacle mouvant, entre danse, théâtre et performance. Une pièce pour cinq danseurs et quatre métallos dans laquelle les corps à corps avec le fer ou avec l’autre s’enchaînent. Au-delà des bruits de ferraille, le musicien Thomas Jeker donne le ton, entre rock et romantisme, et le chanteur d’opéra égyptien Mohamed Abou El Kheir adoucit l’ensemble.
Malgré tout, les gestes des danseurs sont empreints d’une certaine brutalité. Toujours en mouvement, ils subissent une violence continuelle. « Il ne faudra pas avoir peur du feu des machines et du feu des acteurs », avertit la chorégraphe française Laurence Rondoni, qui signe ici sa deuxième collaboration avec le danseur égyptien Mohamed Shafik. Destiné à être joué dans des friches industrielles, Hadid est ici présenté pour la première fois dans un théâtre et sera montré à la Bibliothèque d’Alexandrie, en Egypte, le 29 novembre prochain.
Danse de la rue
Changement de décor avec la création d’Imed Jemâa qui fait place au dépouillement. Marqué par la rue tunisienne de sa jeunesse, Jemâa livre avec Vivant, « une mise en scène de l’énergie de la rue et de son désordre ». « Comme si la rue résolvait tout, notre fougue et notre désespoir, notre détresse et nos dérives », explique le chorégraphe. Huit danseurs se croisent, s’apprivoisent, se heurtent. L’exaltation est palpable. Certains motifs chorégraphiques s’inspirent de la gestuelle populaire tunisienne et Imed Jemâa multiplie les clins d’œil. Ses formations d’hommes en noir sont souvent relevées d’une pointe d’humour où le machisme affleure sans complexe. Une danseuse du ventre aguicheuse affiche sa sensualité et, à la fin, la prière se dissout dans le mouvement chorégraphique…
Outre les rumeurs de la ville, les flashs d’informations en arabe et une tension sonore qui revient à plusieurs reprises, les danseurs sont accompagnés par un joueur de mezoued, la cornemuse tunisienne en peau de chèvre. Autre référence à la tradition. Pour autant, le travail d’Imed Jemâa s’inscrit pleinement dans la modernité, lui qui se forma à la danse moderne auprès de Samir Mafoudh, le premier homme à avoir osé devenir danseur en Tunisie. Jemâa a fondé sa compagnie, Le Théâtre de la Danse, à Tunis, en 1989 et cherche à créer un Centre chorégraphique méditerranéen. Vivant a été présenté aux Rencontres chorégraphiques de Carthage, en Tunisie, en avril dernier.
Vivant d’Imed Jemâa (19h) et Hadid de Laurence Rondoni et Mohamed Shafik (20h30), du 22 au 24 novembre.
Centre national de la danse
1, rue Victor-Hugo 93 507 Pantin – (00 33) 1 41 83 98 98