La communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) a annoncé dimanche 15 décembre 2024 la création d’un tribunal spécial pour juger les crimes commis durant la dictature de Yahya Jammeh en Gambie entre 1994 et 2017. Plus de 70 personnalités sont mises en causes parmi lesquels l’ancien chef d’État gambien exilé en Guinée Équatoriale.
L’instance nouvellement créé sera composée à la fois de personnels gambiens et d’autres originaires de toute la sous-région, le procureur spécial, qui sera nommé dans les mois qui viennent, pourra aussi déférer certaines affaires devant la justice gambienne. La nouvelle cour sera chargée de juger les nombreuses atrocités commises en Gambie entre 1994 et 2017 durant la dictature de Yahya Jammeh.
Parmi les crimes, les témoignages font état de l’exécution d’au moins 240 personnes, de disparitions forcées, de viols, tortures, détentions arbitraires et même de l’administration d’un faux traitement contre le SIDA, toutes ces accusations ayant été recueillies devant la commission Vérité réconciliation et réparation, inaugurée en 2018.
Une première en termes de justice internationale pour la CEDEAO
Les recommandations de cette commission ont poussé les autorités gambiennes à lancer des poursuites contre 70 personnes dont l’ancien dictateur déchu, en fuite en Guinée Équatoriale après sa défaite aux élections de 2016. Le président Adama Barrow a exprimé sa « gratitude » suite à cette « décision monumentale » dans un communiqué publié par le ministre gambien de la justice affirmant qu’il s’agissait de « la première fois que la CEDEAO établit (…) un tribunal spécial pour poursuivre en justice les responsables de crimes graves commis sur le territoire d’un Etat membre ». C’est en effet une première.
La Cour de justice ne représentera pas seulement la Gambie, mais bien toute la CEDEAO, rendant ainsi ses décisions plus pesantes tant cette cour à un aspect international selon Reed Brody, avocat américain et membre de la commission internationale des juristes (CIJ), « il sera difficile pour le président Obiang de Guinée Équatoriale de refuser une extradition », en raison de cette autorité internationale. « Aucun accord d’extradition entre la Gambie et la Guinée Équatoriale n’existant, c’est toute la région qui pèsera au moment de demander qu’on livre à la justice internationale Yahya Jammeh« . Mais la partie la plus difficile sera de financer la Cour, qui coûtera des dizaines de milliers de dollars, et surtout de la faire fonctionner, alors que des victimes de l’ancien dictateur gambien attendent depuis près de 25 ans, pour certains, d’être entendus par la justice.
Pour l’instant, les rares procès sur des crimes commis durant les 22 ans de l’ère Yahya Jammeh se sont déroulés loin de là Gambie : l’ex-ministre de l’intérieur gambien et un ancien membre d’un escadron de la mort ont été reconnus coupables de « crimes contre l’humanité » et condamnés à de lourdes peines de prison en Suisse et en Allemagne et un procès semblable est annoncé du côté des États-Unis dans les prochains mois.