En tentant, par tous les moyens, d’empêcher l’éclatement de la lumière sur le crash de l’avion russe dans le Sinaï, le Président égyptien Abdel Fattah al-Sissi qui dicte ce qui doit être dit et fait dans son pays se trouve face à l’écueil de nations libres et indépendants : les Etats-Unis et la Grande Bretagne.
Les médias égyptiens pro-gouvernementaux n’ont pas raté les pays occidentaux qu’ils accusent de privilégier la thèse de l’attentat dans le crash de l’avion russe dans le Sinaï, allant jusqu’à évoquer un « complot » contre Le Caire et Moscou.
En laissant prospérer de telles spéculations, le Président égyptien Abdel Fattah al-Sissi donne déjà une idée de sa visite en Russie, au lendemain de l’accident qui a coûté la vie à 217 passagers et 7 membres d’équipage lors du pire crash qu’ait connu transport aérien russe. En effet, selon toute vraisemblance, Sissi était parti rencontrer Vladimir Poutine pour qu’ensemble, ils s’entendent sur une version à livrer à l’opinion. Et donc si complot il y a, c’est bien sur entreprise de l’Etat égyptien qui a voulu sauver les meubles. Entendant par meubles son tourisme qui va, sans nul doute, pâtir de cet accident d’avion.
La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont en effet été les premiers pays à évoquer l’hypothèse d’un acte terroriste pour expliquer le crash de l’Airbus de la compagnie russe Metrojet qui devait rallier Saint-Pétersbourg en Russie, au départ de Charm el-Cheikh en Egypte, avec 224 occupants, la plupart des Russes. Le Caire avaient alors accusé les deux pays d’avoir « sur-réagi » et « anticipé les résultats de l’enquête ». Le gouvernement égyptien a en outre critiqué la décision de Londres de rapatrier les quelque 20 000 Britanniques présents à Charm el-Cheikh. De son côté, la France a préféré ménager l’Egypte à qui elle vient juste de vendre 24 avions Rafale et deux porte-hélicoptères Mistral.
Certains de ces journaux pro-gouvernementaux ont été jusqu’à dénoncer « une tentative flagrante de punir l’Egypte économiquement et financièrement pour son ouverture à la Russie au cours des trois dernières années et la coopération militaire croissante entre les deux pays », en plus d’évoquer « une question politique et économique en premier lieu visant à se venger de l’Egypte et de la Russie ».
Aujourd’hui, le gros souci du Président Sissi, qui par le passé, a tenté de museler la presse égyptienne et tout journaliste se trouvant sur son sol, c’est comment étendre cette « mainmise » sur l’opinion en général. Un regard dans le rétroviseur nous ramène au mois de juillet dernier, alors qu’une nouvelle loi antiterroriste, déjà adoptée par le gouvernement, allait être soumise à l’examen du chef de l’Etat égyptien, après examen par la Cour suprême.
Cette loi stipulait que « tout journaliste qui publie volontairement un « faux » bilan concernant une attaque terroriste, en contradiction avec les « communiqués officiels », risque deux ans de prison au moins ». Et en cas d’entrave à cette loi, la justice égyptienne allait pouvoir expulser le journaliste, s’il s’agit d’un étranger. C’est ce qu’indiquait l’article 33 de cette nouvelle loi qui a fini par être modifiée, les peines de prison supprimées puis remplacées par des sanctions financières. Toujours est-il que la menace est présente et pressante en Egypte, pays d’Afrique du Nord qui a fini par dompter sa presse.
Aujourd’hui, notamment avec cette affaire du crash de l’avion russe, Abdel Fatah al-Sissi fait face à une autre presse, étrangère, qui n’est pas à sa merci et est disposée à livrer la vérité, toute la vérité, sur ce crash, en fonction des informations données par des pays loin de connaître une dictature, notamment les Etats-Unis et la Grande Bretagne, qui se soucient peu des états d’âme de Sissi qui, faut-il oser le dire, est arrivé au pouvoir par un putsch, après avoir destitué un Président démocratiquement élu, Mohamed Morsi.
Toutefois, Londres et Washington avaient soutenu Sissi et indirectement cautionné son coup d’Etat. Et c’est ce même Sissi qui charge ces deux pays occidentaux, par procuration donnée à la presse égyptienne. Comme dit un proverbe wolof du Sénégal : « celui qui élève son bélier sera le premier à recevoir un coup de corne ».