Un T-shirt, hommage à la catastrophe aérienne du 16 août dernier où 153 Martiniquais avaient trouvé la mort, est commercialisé depuis lundi en métropole et aux Antilles. L’initiative, soutenue par de nombreux membres de la communauté, entend apporter sa contribution au nécessaire devoir de mémoire. Afrik est allé recueillir le commentaire de quelques grandes personnalités afro-caribéennes, marraines de l’opération.
16 août 2005. Une date à marquer d’une pierre noire dans l’histoire de la France et de la Martinique. Ce jour là, un avion de la West Caribbean Airways devant relier Panama à la Martinique s’écrase dans la chaîne de montagne de Perija. A son bord, 160 personnes dont 153 Martiniquais. « Nul ne meurt tant qu’une mémoire s’en souvient. » Deux jeunes stylistes et créateurs antillais, Mara pour Maraattitude et Kozty pour Kozty97 ont lancé l’initiative d’un t-shirt hommage, parrainé par de nombreuses personnalités afro-caribéennes. Deux des sept euros du prix du t-shirt, vendu depuis lundi en métropole et aux Antilles, seront reversés à l’association Casodom sur un compte spécial pour aider les familles des victimes.
Kozty, créateur à la base de l’initiative
« Le T-shirt est un média »
« Le T-shirt est un média pour entretenir un devoir de mémoire. Cent cinquante-deux victimes est un chiffre qui, rapporté à la population de l’île, est énorme. Je suis Martiniquais et il s’agit véritablement pour nous d’un deuil national. Quand Edith Lefel (grande artiste créole disparue en janvier 2003, ndlr) s’en est allée, j’ai trouvé qu’elle n’avait pas eu l’hommage qu’elle méritait. Je me suis demandé comment, cette fois, faire en sorte que l’hommage arrive aux yeux de tout le monde. Pour marquer encore un peu plus le message au plus grand nombre, je compte faire des versions en différentes langues. »
Dédé Saint-Prix, artiste
« Un des plus grands drames après l’éruption de la montagne Pelée »
« J’ai accepté de soutenir l’initiative car elle venait du cœur. J’ai eu des propositions farfelues mais j’ai senti que là, l’initiateur ne rigolait pas. J’étais déjà rentré de vacances quand l’accident c’est produit. Trente personnes de ma commune y ont perdu la vie plus d’autres personnes que je connaissais. Après l’éruption de la montagne Pelé (8 mai 1902, 30 000 morts, ndlr), c’est l’un des plus grands drames de la l’histoire de l’île. Ça a été un gros coup pour tout le monde et qui laisse d’importantes séquelles. Pour ma part, je pense souvent aux victimes. J’ai été sollicité par des politiques pour faire partie d’une délégation pour aller sur place, mais j’ai décliné l’invitation. J’ai préféré compatir avec les gens différemment. J’ai envoyé des messages de soutien, fait des interventions à la radio… pour montrer que j’étais là, auprès d’eux. »
Jocelyn Beroard, artiste
« J’ai annulé des concerts car je n’avais pas le cœur à la fête »
« J’étais en Martinique quand ça c’est passé. Tout le monde était très choqué, abattu par le drame. Chacun connaît au moins un personne touchée par l’accident. J’avais deux personnes de ma famille éloignée dans l’avion. J’ai pour ma part annulé des concerts, car je n’avais pas, comme beaucoup, le cœur à la fête. Toute l’île était plongée dans la douleur. L’idée des T-shirt commémoratifs est originale, mais je dois avoir avouer que le fait de lister sur le T-shirt les artistes qui soutiennent l’opération me dérangeait un peu. Il y a un peu un côté pub qui me gène, mais je comprend bien que cela va aider à vendre les maillots. D’une manière générale, je préfère être discrète. France 2 m’avait sollicitée pour quelques commentaires à l’aéroport dans le cadre du journal. Même si j’y suis allée, j’étais très gênée parce que je trouvais ça indécent de ma part de me retrouver à côté des familles des victimes et de toute leur détresse. J’avais peur de leur réaction vis-à-vis de ma présence et c’est vrai que quelque part je n’avais rien à faire devant les caméras. »
Jean-Philippe Fanfan, musicien
« La sécurité des transports aériens enfin remise en cause »
« Un T-shirt hommage est une bonne initiative qu’il faut soutenir. En tant qu’Antillais (Guadeloupe, ndlr), j’ai été très affecté par le drame, même si je n’avais aucun membre de ma famille dans l’appareil. J’étais en vacances en Martinique quand c’est arrivé et la nouvelle a été très douloureuse pour tout le monde. C’est l’un des crashs français les plus meurtriers. Des familles entières ont été décimées. L’accident, qui entre dans une série noire de crashs mortels, a toutefois permis de remettre enfin en cause les transports aériens et la sécurité des vols charter. »
Joël Abati, handballeur professionnel
« C’est la course au profit qui est la cause du drame »
« Même si je n’étais pas sur place à la Martinique et que je n’ai eu personne de touché au sein de ma famille, je reste très marqué par l’onde de choc suscitée par l’accident. Tant de tristesse et de douleur. C’est un ami qui m’a téléphoné de Paris (Joël Abeti habite en Allemagne, ndlr) pour m’annoncer la triste nouvelle. J’ai passé deux jours à essayer de contacter la famille là-bas, parce que les lignes étaient saturées. Il y a eu une vraie mobilisation nationale, et pas simplement antillaise, autour du drame. L’accident a touché tout le monde. La France a pris conscience que les victimes étaient françaises. Toutes ces vies disparues ont lancé le débat sur la sécurité aérienne, ce qui a notamment permis de montrer du doigt les compagnies poubelles. Un avion n’est pas une voiture, quand il tombe en panne c’est la catastrophe et il est inadmissible que certains transporteurs puissent prendre des légèretés à ce niveau pour une simple question de profit. C’est le capitalisme infernal qui est ici en cause. Un capitalisme où la vie ne représente plus grand-chose. »
Thierry Cham, artiste
« Il faut également avoir une pensée pour les victimes des autres crashs »
« Comme pour tout le monde, ça a été un choc. Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai de mon propre chef adressé un communiqué à la radio Media Tropical à Paris pour faire part de mon soutien aux familles des victimes. Il y a eu d’une manière générale une forte mobilisation, notamment au sein de la communauté qui a montré qu’elle avait du cœur. Simplement, je trouve un peu dommage qu’on se mobilise uniquement pour des choses tragiques alors que nous pourrions apporter également beaucoup aux vivants en faisant preuve d’une grande solidarité. Concernant le crash, j’ai également une pensée et beaucoup de compassion pour les victimes des autres accidents de la série noire d’août et de septembre, comme en Grèce (121 victimes, ndlr). Comme j’ai l’occasion de beaucoup voyager, je ne peux m’empêcher de penser que j’aurais pu être dans un des appareils. Cela ne doit toutefois pas nous empêcher de vivre et devrait même nous inciter à vivre au maximum l’instant présent, car on ne sait jamais quand ça va arriver. »
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