Depuis quelques semaines, des doses du vaccin anti-Covid-19, Johnson & Johnson, sont produites en Afrique du Sud. Alors que ce pays en a sérieusement besoin, ces vaccins sont exportés vers l’Europe. Il y a de quoi se poser des questions sur la nature des contrats vaccinaux conclus entre les autorités sud-africaines et les firmes pharmaceutiques ayant élaboré les vaccins.
Il y a trois semaines, l’Afrique du Sud annonçait à grands renforts médiatiques la production de vaccins anti-Covid-19 sur son territoire. À la manœuvre, il y avait la firme pharmaceutique sud-africaine, Aspen, qui a reçu l’autorisation de conditionner localement le vaccin Johnson & Johnson. Aspen « est heureux de confirmer que la première livraison à l’Afrique du Sud du vaccin Covid-19 de Johnson & Johnson » sera effectuée lundi [26 juillet 2021], avait communiqué la société sud-africaine. Pour elle, cette livraison constituait un « jalon important » dans l’histoire de l’Afrique du Sud et de l’Afrique en général, car « ce sont les premiers vaccins Covid-19 produits sur le continent africain, par une firme africaine pour des patients africains », avait souligné le communiqué.
C’était effectivement une première pour tout le continent et un important pas franchi dans la lutte pour l’équité vaccinale entre les pays nantis et les États africains où une infinitésimale partie de la population seulement est vaccinée depuis la commercialisation des vaccins. Hélas, un article du New York Times relayé par RFI révèle qu’au moins 32 millions de doses de vaccin produites en terre sud-africaine ont été exportées vers l’Europe, conformément à une clause signée par l’Afrique du Sud et qui ne lui permet pas de bénéficier prioritairement des doses produites sur son territoire. Alors même que le pays où ces doses ont été conditionnées en a cruellement besoin, puisqu’il se bat contre une troisième vague de l’épidémie. Seuls 10% de la population sud-africaine ont reçu au moins une dose de vaccin.
Un marché de dupes ?
L’accord conclu avec la firme américaine Johnson & Johnson et qui permet à l’Afrique du Sud de produire localement des vaccins contre le Covid-19 ne serait-il alors finalement qu’un marché de dupes ? Vu l’allure que prennent les événements, tout porte à le croire. En Afrique, c’est l’indignation totale. « Cette approche coloniale qui consiste à utiliser le sol africain pour permettre à d’autres continents de sortir de la crise n’est pas acceptable. Et on nous parle toujours de coopération entre pays du Sud, mais cela ne vaut rien si on envoie les vaccins ailleurs », dénonce Moses Mulumba, directeur du centre ougandais pour la santé, les droits de l’Homme et le développement (CEHURD).
Même au niveau onusien, on condamne la pratique. « En ne protégeant qu’une seule partie du monde, on se tire une balle dans le pied, car ce n’est qu’une victoire sur le court terme. Cette situation d’apartheid vaccinal fait inutilement durer la crise, et cela plante les graines de futurs troubles sociaux », a laissé entendre Tlaleng Mofokeng, rapporteuse spéciale des Nations unies pour le droit à la santé.
Sur la question, les clarifications des autorités sud-africaines sont attendues pour apporter une lumière sur ces contrats vaccinaux pour le moins opaques et obscurs.
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