Dans le bureau ovale de la Maison Blanche où sera reçu le Président Bouteflika par George W. Bush, le dossier énergétique sera particulièrement discuté. Intéressés par le gaz algérien, les Etats-Unis veulent viabiliser sa commercialisation qui est en train d’être phagocytée par les Français.
De notre partenaire Le Quotidien d’Oran :
Les besoins estimés des Américains en gaz naturel sont d’un tel ordre que leur partenariat énergétique avec l’Algérie va prendre une nouvelle dimension. Les groupes pétroliers américains lorgnent sur le marché gazier mais poseront certainement quelques conditions relatives à la commercialisation. Les Américains veulent négocier des achats directs de gaz (GNL) à l’Algérie mais semblent s’inquiéter de la mainmise des groupes pétroliers français, notamment Gaz de France et Total, qui sont de plus en plus hégémoniques dans le contrôle de la chaîne gazière algérienne.
Bataille gazière
Pour cerner les enjeux d’une bataille gazière franco-américaine qui s’annonce extrêmement dure commercialement, il faut revenir au 8 juin 2000. C’est à Nice, lors du XXIème congrès mondial du gaz, que la Sonatrach et Gaz de France ont signé un accord de partenariat qui prévoit de renforcer les relations commerciales des deux groupes mais surtout » d’intervenir conjointement sur les marchés en commercialisant ensemble des volumes de gaz » ainsi que de rechercher et développer les réserves gazières existantes dans le Sud algérien. Cet accord est assorti d’un renouvellement jusqu’à 2013 de deux contrats de vente de GNL à Gaz de France qui devaient arriver à échéance en 2002. Une société conjointe, MED LNG & GAZ, (50/50%) a été créée par les deux groupes afin de commercialiser le gaz algérien en Europe où GDF est le 3ème opérateur gazier.
Mais cet accord, couplé aux objectifs stratégiques de GDF et à l’agressivité des opérateurs gaziers français en Algérie, inquiète les observateurs énergétiques algériens qui, pour certains d’entre eux, pensent qu’il » ne fera que renforcer la dépendance commerciale de l’Algérie vis-à-vis de la France « . Ces observateurs rappellent les affaires d’El Paso, des contrats avortés entre l’Algérie, l’Allemagne et l’Italie durant les années 80 pour expliquer les » dangers (…) d’un tête-à-tête avec les seuls intérêts français. Notre droit d’accès au marché européen peut être dicté par Paris « , a rappelé un des artisans des accords gaziers avec la France durant les années Chadli Bendjedid.
Appétits féroces
Pierre Gadonneix, président de GDF, avait déclaré que cet accord affirme » la volonté commune des deux groupes de renforcer leurs liens sur l’ensemble de la chaîne gazière. La détermination de GDF est d’être un acteur européen majeur du nouveau paysage gazier « . Cette volonté française a été accompagnée d’une série de contrats entre Sonatrach et GDF qui a généré un bénéfice net annuel pour la France de l’ordre de 2,7 milliards de francs pour un chiffre d’affaires de 60 milliards de francs.
L’Algérie qui assure 24% des approvisionnements de cette entreprise n’arrive pas à quantifier les retombées exactes de ce partenariat surtout que la position française se renforce sur l’ensemble de la chaîne gazière algérienne en direction de l’Europe. Un différend avait déjà éclaté entre 1996 et 1998 entre les Espagnols de Repsol et les Français de Total au sujet du partage de la production sur le champ de gaz de Tin Fouye Tabankort (TFT) qui atteint une quantité de 18 millions de m3/j de gaz. Plus près encore, l’accord Sonatrach avec les Malaisiens de Petronas et les Français de Gaz de France bat de l’aile. Il portait sur l’exploitation du bassin d’Ahnet (In Salah) et l’acheminement du gaz vers l’Europe (140 milliards de m3 de réserves estimées).
Couple à trois
Des appétits féroces ont empêché que cette opération triangulaire se réalise normalement avec des risques d’éjection du partenaire malaisien, que certains veulent bouter hors du processus de commercialisation du projet qui alimentera l’Europe depuis Mostaganem.
Les observateurs anticipent sur ces prises de participations françaises dans la chaîne gazière algérienne et redoutent, de par la puissance de GDF et Total sur le marché européen, que le gaz algérien soit tributaire des intérêts commerciaux français. Ces derniers voulant assurer une croissance substantielle en Algérie à partir de l’exploration production jusqu’aux services, en passant par le négoce, le transport et la distribution.
La société MED LNG & GAZ aura également à étudier la faisabilité d’une ligne directe de transport de gaz entre l’Algérie et l’Europe à travers le fameux projet MEDGAZ. Le partenariat » fondé sur des intérêts croisés » comme le souhaitait l’ancien PDG de Sonatrach, Abdelhak Bouhafs semble pour le moins menacé.
Omniprésents dans le Sahara algérien, surtout sur le pétrole, les Américains surveillent ce processus avec un intérêt croissant. George W. Bush évoquera cette question avec le Président Bouteflika que les Américains savent sensible au principe de diversification des partenaires dans le domaine des hydrocarbures. Sur ce plan, le Président algérien pourra négocier un autre type d’accord avec les Américains pour ne pas répéter les erreurs stratégiques de Chadli Bendjedid qui avait enfermé le gaz algérien dans un espace strictement français. Les Américains veulent accroître leur participation dans le gaz algérien, postulant à être clients mais refusant d’acheter dans une » épicerie « … française.
Mounir B.