Depuis deux mois, Le Courrier de l’Atlas occupe avantageusement l’espace laissé vacant dans la presse magazine destinée à la communauté maghrébine de France. Le mensuel ambitionne de montrer sa diversité en lui donnant davantage la parole que ne le font les médias nationaux.
« Bravo ! Animateur socioculturel, je vais de ce pas acheter quelques numéros du Courrier et les laisser traîner par ci par là : jeunes et adultes d’ici et là-bas, nous avons tous à gagner à l’ouverture offerte par votre revue. Dans notre travail auprès de familles issues de milieux populaires, nous sommes souvent à la recherche de telles paroles… » N’en jetez plus. Hassan Ziady, le directeur de publication du Courrier de l’Atlas, lit avec satisfaction l’un des nombreux courriels de félicitations qu’il reçoit depuis deux mois. Celui-ci est signé de Fabien, « français par hasard ». Tant mieux, le nouveau mensuel « de la communauté maghrébine en France » voudrait s’adresser à tous les Français. Ses bureaux sont installés au coeur de Paris, dans le 2è arrondissement, le nez sur l’Opéra Garnier, avec une vue sur la Tour Eiffel. Une bonne base pour casser du cliché.
Il faudra attendre le troisième numéro pour connaître les chiffres exacts des ventes mais le numéro 1, tiré à 60 000 exemplaires, comme les deux suivants, a rapidement été épuisé dans les kiosques parisiens. « Il y avait un réel besoin et une forte demande. J’aurais personnellement voulu tirer à 150 000 exemplaires…» assure Hassan Ziady, euphorique et épuisé après des semaines de travail non-stop. Salama et Salem News, les derniers magazines qui ambitionnaient de répondre à l’attente des quelque six millions de Français d’origine maghrébine, ont disparu à la fin de l’année 2005. Pour ne pas connaître ce destin funeste, Le Courrier de l’Atlas s’appuie sur un actionnaire principal solide, Akwa Group, un leader énergétique marocain qui pèse 14,4 milliards de Dirhams de chiffre d’affaire en 2005.
« La communauté maghrébine n’existe pas »
L’un des souhaits d’Hassan Ziady, ex rédacteur en chef de Jeune Afrique, est de montrer la diversité des Français d’origine maghrébine. Car, tonne-t-il, « la communauté maghrébine n’existe pas. Comment faire entrer six millions de personnes dans une communauté ? Certains se disent arabes, d’autres berbères, il y a les musulmans, les laïques, ceux qui votent à droite… c’est un bordel innommable. »
Là où les plateaux de télévision invitent facilement un Eric Raoult, député UMP et « spécialiste » ès banlieue, pour parler des Français d’origine maghrébine, le magazine interroge les sociologues qui enquêtent sur leurs attentes et ouvre ses colonnes aux principaux intéressés, qui répètent à l’envie qu’ils sont des Français comme les autres et qu’ils n’ont pas besoin qu’on les intègre. De la même façon, là où les soirées thématiques télévisées appuient avec gravité sur la question du voile, le mensuel donne la parole à des femmes voilées, ainsi qu’à celles qui vivent en concubinage, parfois contre la volonté de leurs familles, ou qui étudient dans les grandes écoles françaises. Le Courrier s’en donne à cœur joie dans son numéro deux, consacré aux femmes, à l’occasion de leur journée, le 8 mars, et truffé de photos de belles franco-maghrébines d’ici et là-bas.
Dans un équilibre encore précaire, le nouveau journal est composé d’enquêtes et de reportages franco-français (« Les maghrébins de gauche »), d’autres sont purement maghrébins (« L’après pétrole en Algérie ») et d’autres encore forment une passerelle entre les deux rives de la Méditerranée (« Je suis rentré au Bled »). La place accordée à l’économie est minime et la rubrique sport, présente dans le premier numéro, est absente du second. La vitesse de croisière sera sans doute atteinte lorsque la jeune équipe du Courrier connaîtra mieux ses lecteurs et lorsqu’elle saura si le journal sera ou non distribué au Maghreb.