La semaine dernière aura été marquée par l’annonce surprise d’une tentative de coup d’Etat aux contours encore flous, faute de preuves tangibles disponibles de la part du jeune régime issu des premières élections démocratiques post-conflit. Dans l’attente des pruves sur la réalité de ce putsch, des soupçon de torture sur les opposants pèsent sur le régime.
Par Ferdinand Bigumandondera
Correspondant de la PANA
Nombreux sont les citoyens et les analystes politiques à Bujumbura qui n’avaient pas pris trop au sérieux une précédente annonce du chef de l’Etat, Pierre Nkurunziza, concernant une autre tentative de putsch en mars 2006, toujours faute de preuves palpables pourtant promises à l’opinion à grand renfort de publicité médiatique.
La surprise est aujourd’hui encore d’autant plus grande que beaucoup de spécialistes des questions politiques nationales avaient fini par se convaincre que les Burundais avaient tiré toutes les leçons du coup d’Etat manqué de 1993 qui avait plongé le pays dans une guerre civile atroce ayant fait à ce jour au moins 300.000 morts et poussé à
l’exil forcé plus d’un million d’autres.
L’autre surprise de taille vient du fait que, chose rarissime, des politiciens et des militaires hutus et tutsis se seraient coalisés pour opérer un coup d’Etat dans un pays marqué par des antagonismes séculaires entre les deux principales ethnies qui le composent.
A en croire certains hommes politiques de l’opposition, le jeune pouvoir voudrait, par l’annonce de la « tentative de putsch supposée », détourner l’attention de l’opinion des limites du régime dans la gestion des affaires du pays.
Le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication, Ramadhan Karenga, est intervenu récemment dans le débat pour balayer d’un revers de main les allégations de l’opposition, en insistant sur l’existence réelle d’une entreprise de déstabilisation des institutions faisant actuellement l’objet d’investigations approfondies dont les résultats seront portées à la connaissance de
l’opinion le moment venu.
A la veille du putsch sanglant de 1993, qui avait emporté le premier président démocratiquement élu, Melchior Ndadaye, et une dizaine de ses proches collaborateurs, on ne prenait pas au sérieux des rapports insistants des services de renseignement qui mentionnaient la
préparation d’un coup d’Etat, a rappelé M. Karenga.
« La vigilance doit être de mise aujourd’hui plus qu’hier afin que le Burundi ne devienne le nouveau Rwanda de la sous-région », a insisté le porte-parole du gouvernement, faisant allusion au génocide qui a déchiré ce pays voisin en 1994 du fait d’ambitions politiques internes.
« Nous allons nous battre jusqu’à la dernière minute pour notre légitimité populaire issue des urnes et pour que le Burundi ne retombe pas dans les travers d’une nouvelle guerre civile », a assuré le ministre de la Communication.
Soupçon de torture des opposants
En tout, sept personnalités du monde politico-militaire et de la Société civile ont déjà été appréhendées par la Documentation nationale, une police présidentielle du renseignement.
Un avocat de la défense, Me Isidore Rufyikiri, a rejoint les autres prévenus dans les cachots de la Police depuis jeudi soir pour avoir fait état de cas de tortures sur ses clients.
Le journaliste et responsable de la Radio publique africaine (RPA, privée et très écoutée) serait également recherché par la Police pour les mêmes faits de tentative de putsch, à en croire ses dires.
Au cours de la rencontre, le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies au Burundi, Norredin Sati, a fait part au ministre de la Communication de sa profonde inquiétude à propos de la dégradation du climat politique dans le pays.
Le diplomate onusien a également exprimé sa profonde
préoccupation sur les allégations de tortures qui auraient été infligées aux présumés putschistes, avant de demander l’accès aux personnes détenues à ceux qui le souhaitent.