La République démocratique du Congo a lancé, jeudi, le coup d’envoi de la campagne présidentielle et législative en vue des élections générales du 30 juillet prochain. Premier scrutin libre depuis quarante ans, il doit ouvrir la voix à un retour à la démocratie. 33 candidats se présentent à la magistrature suprême, dont Joseph Kabila, l’actuel Président et 3 de ses 4 vice-présidents. 9 707 prétendants sont en lice pour les 500 sièges à l’Assemblée nationale.
Louise Simondet
Un, deux, trois… Partez ! La course à la présidence et à l’Assemblée nationale a été lancée, jeudi, en République démocratique du Congo (RDC). Des élections historiques puisqu’il s’agit du premier scrutin libre depuis l’indépendance du pays en 1960. Elles sont censées mettre fin à une fragile transition politique mise en place en 2003 après 5 ans de conflits régionaux. L’élection, prévue le 30 juillet prochain, verra s’affronter 33 candidats pour briguer l’investiture présidentielle et 9 707 prétendants pour les législatives. Au final, plus de 25,6 millions d’électeurs sont appelés à se prononcer dans les 50 000 bureaux de vote répartis dans tout le pays, pour élire leur nouveau chef d’Etat et 500 députés nationaux. Une RDC où le pouvoir est partagé entre un Président et quatre vice-présidents. Seul 13 des 213 partis politiques qui participeront au scrutin sont parvenus à présenter des candidats dans les 169 circonscriptions du pays.
Les candidatures fleurissent
Les candidatures se bousculent pour gagner le fauteuil présidentiel. En lice, l’actuel Président de la République, Joseph Kabila, qui a succédé à son père en 2001, rêve d’être reconduit dans ses fonctions. Face à lui, trois de ses quatre vice-présidents sont dans la course pour le siège. Jean-Pierre Bemba, chef de fil du Mouvement de libération du Congo (MLC), serait soutenu par les ex-Forces armées zaïroises et par certains pays limitrophes. Le leader du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RDC), Azarias Ruberwa, chef d’une ex-rébellion soutenue par le Rwanda, et Arthur Zahidi Ngoma, issu de l’opposition politique non armée, croient chacun en leurs chances. Il faudra aussi compter sur les mobutistes, Nzanga Mobutu et Pierre Pay Pay, l’ancien gouverneur de la banque centrale, partisans de l’ancien dirigeant zaïrois.
Face à l’éparpillement des candidatures, des prétendants sortent du lot. Comme Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba qui ont chacun opté pour des regroupements politiques. Ils comptent respectivement 31 et 23 partis à leurs actifs. Selon un sondage d’un bureau d’étude indépendant basé à Kinshasa et révélé par l’AFP, le Parti du Peuple pour la Reconstruction et le Développement (PPRD), de l’actuel Président est donné gagnant. Il recueillerait au premier tour 37,9% des voix.
Avec les mobutistes, seul Antoine Ggenza, un proche de feu Patrice Lumumba, est en mesure de donne un peu le change. Ombre au tableau, l’opposition sera plus que clairsemée. Le principal mouvement d’opposition étant absent du scrutin. L’Union pour la démocratie et le progrès social (UDSP) a décidé une nouvelle fois de boycotter l’échéance, malgré l’insistance de la communauté internationale. Son Président, Etienne Tshisekedi wa Mulumba, opposant emblématique au régime de Mobutu accuse le manque de transparence dans la préparation du scrutin et déplore que ses revendications ne soient pas prisent en considération.
Un renforcement de la sécurité
Cette campagne historique, qui doit marquer l’avènement d’une nouvelle ère politique, s’annonce délicate. Augmentation des atteintes aux libertés de la presse, et développement de discours tendancieux… Joseph Kabila en a lui-même payé les frais. Les attaques de ses opposants concernant sa « congolité » ont, à ce titre, fait les choux gras des journaux de RDC ces dernières semaines.
La communauté internationale et les Nations Unies (ONU) ont pris leurs dispositions pour que les élections se passent le plus calmement possible. Ainsi, pour contrer toute tentative de déstabilisation des institutions pendant la campagne ou après les résultats, une force militaire de l’Union européenne (Eufor) est en cours de déploiement sur la base aérienne de Ndolo, à Kinshasa. Composées de militaires allemands, français et belges, l’Eufor est là pour aider la Mission de l’ONU en RDC (Monuc) à sécuriser les élections. Cette armée disposera de 800 hommes en RDC et de 1 200 en réserve sur une base française à Libreville, au Gabon. Placée sous mandat des Nations Unies, elle devra coordonner ses actions avec la Monuc. Cette mission de l’ONU dispose de 17 600 casques bleus, dont 80% sont déployés dans l’Est du pays. Or un climat d’insécurité règne dans cette partie de la RDC où se côtoient milices locales et rebelles étrangers. Véritable poudrière, la bonne tenue des suffrages dans la région pourrait être compromise.
La Monuc devait aussi se charger d’entraîner et de former 50 000 éléments de la police nationale, avant le 30 juillet. La Mission de l’ONU en RDC, comme d’autres partenaires de la communauté internationale, tels que l’Afrique du Sud, l’Angola, la France, l’Union européenne et le Japon, se sont investis dans la « professionnalisation» de la police nationale congolaise, en vue de maintenir l’ordre pendant les élections. Actuellement, on dénombre 46 000 policiers formés. Malgré tout, l’inquiétude reste palpable. L’Eufor saura-t-elle maintenir l’ordre en RDC pendant la tenue des élections ? Comment seront pris les résultats ? Une élection sous haute tension, où tous les scénarios sont possibles…