Elles sont africaines et se font blanchir la peau. Simple critère esthétique ? Ferdinand Ezembe, psychologue à Paris spécialisé dans la psychologie des communautés africaines affirme que non. Il s’agit pour lui d’un profond traumatisme post-colonial.
Se faire blanchir la peau est une pratique depuis longtemps courante ici ou ailleurs parmi les femmes africaines. Le principe a pourtant de quoi choquer. A la lueur crue d’une objectivité primaire, le concept de dépigmentation, où le noir est à la quête perpétuelle du moins noir, reste somme toute mystérieux.
Le phénomène n’a rien à voir avec une simple mode. Il est bel est bien culturel, tellement bien intégré aux pratiques qu’on ne s’interroge même plus sur ses lointains fondements. A ce titre, la thèse défendue par Ferdinand Ezembe, psychologue à Paris spécialisé dans la psychologie des communautés africaines, s’avère des plus intéressantes.
Afrik : Comment expliquez-vous cette volonté de s’éclaircir la peau chez les africaines ?
Ferdinant Ezembe : Cette attitude des noires par rapport à la couleur de leur peau, procède d’un profond traumatisme post-colonial . Le blanc, symbolisé par sa carnation, reste inconsciemment un modèle supérieur. Pas étonnant dans ces conditions qu’un teint clair s’inscrive effectivement comme un puissant critère de valeur dans la majeure partie des sociétés africaines. D’ailleurs que ce sont les pays aux passés coloniaux les plus brutaux qui affichent le plus une attirance pour les peaux claires. Dans les deux actuels Congos, même les hommes s’y mettent et travaillent, comme leurs compagnes, à parfaire leur teint.
Afrik : La dépigmentation interviendrait au secours d’un complexe inconscient d’infériorité ?
F.E : Oui ; il faut même rajouter à cela, l’influence majeure du christianisme en Afrique. La représentation exclusivement blanche des grandes figures de la bible a forcément affecté les peuples noirs dans leur inconscient. Cette idée est renforcée par l’allégorie des couleurs dans l’univers chrétien, basée sur des oppositions entre le clair et l’obscur, les ténèbres et les cieux, où le noir s’oppose toujours à la pureté du blanc.
Afrik : Vous pensez que le phénomène est si profond que ça ?
F.E : Oui et il va même plus loin que le simple blanchiment de la peau. On remarque beaucoup de femmes Africaines qui se défrisent les cheveux, qui portent des perruques pour avoir les cheveux lisses comme les occidentaux. Le complexe est là. C’est un peu facile de dire qu’un noir qui se teint les cheveux en blond n’est agit que par une simple mode. Ce qu’il y a, c’est que les africains n’assument pas des attitudes qui sont souvent inconscientes. Toutes les sociétés noires subissent le joug d’un culte de la blancheur. Les Africains ne se sont pas affranchis d’un poids colonial qui pèse de tout son poids sur leur propre identité.