Vivre en bonne intelligence et respecter les règles de la démocratie. Deux mille enfants ivoiriens s’y essaient sous la houlette de Mireille Critié Thobouet du Centre de recherche et action pour la paix (Cerap). La Côte d’Ivoire, dont la vie politique est tourmentée depuis 2002, vit dans certains établissements une vie démocratique exemplaire.
Ils feraient figure de citoyens modèles, les petits habitants des 41
» Villages de la paix » que compte la Côte d’Ivoire. Ces mini-Etats sont nés dans le cadre d’un programme du Centre de recherche et action pour la paix (Cerap) lancé en 2007. En amont du projet d’éducation scolaire à la citoyenneté, 179 enseignants et encadreurs formés à la citoyenneté et à la gestion des conflits. De retour dans leurs établissements, ces derniers créent des clubs, les futurs villages ouverts aux élèves, du primaire au secondaire. Les premiers sont néanmoins plus rares, car souvent trop jeunes. Un journal et un camp annuel assurent la cohésion du mouvement relayé dans 37 établissements de huit villes ivoiriennes (Abidjan, Bouaké, Yamoussoukro, Man, Daloa, Daoukro, Bondoukou et Korhogo).
Un projet estampillé Harubuntu 2009L’édition 2009 du concours Harubuntu des porteurs d’espoir et créateurs de richesse africains connaîtra son épilogue le 20 décembre prochain à Marrakech, au Maroc, en marge de la 5e édition des Journées panafricaines des collectivités locales, Africités. Afrik.com vous propose tout au long de cette semaine de faire connaissance avec les lauréats qui ont retenu l’attention du jury cette année.
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« Les enfants mettent en place une commission électorale, raconte Mireille Critié Thobouet, la responsable de cette expérience, suivent ensuite les différentes étapes d’un processus électoral jusqu’à l’élection d’un chef de village. Plus tard, les ministres seront nommés par ce dernier. Chaque année, les enfants procèdent à l’élection de leur nouveau chef de village. Ils savent, contrairement à nombre d’adultes, ce que c’est qu’un bulletin unique, une liste électorale… ». Au lycée Sainte-Marie d’Abidjan, l’un des établissements les plus réputés de la capitale économique ivoirienne, ce sont les villageois de la paix qui organisent l’élection des délégués de classe.
L’apprentissage de la citoyenneté et de la gestion des conflits comprend également un volet cohésion sociale qui n’est pas anodin dans une Côte d’Ivoire en proie à une crise politique depuis 2002. Et où les préjugés se transmettent facilement des adultes aux enfants. « A Bondoukou (Est du pays), se souvient Mireille Critié Thobouet, nous avons rencontré des enfants ivoiriens et burkinabè (il y a eu une forte communauté burkinabé dans les campagnes ivoiriennes et depuis 2002 les rapports sont de plus en plus difficiles) qui ne se parlaient. Les enfants avaient tout simplement reproduit les attitudes de leurs parents. Ils répètent aussi ce qu’on entend dans les journaux. Nous avons d’ailleurs compilé les préjugés drainés par ces derniers. »
Les embryons de la démocratie
Autre exemple qui donne la mesure de la pertinence de l’existence des « Villages de la paix ». « Nous avions organisé une opération de nettoyage dans une localité à majorité chrétienne, où les musulmans n’ont pas le droit de disposer d’un lieu de culte. Cela n’a pourtant pas empêché un élève musulman de balayer l’intérieur de l’église. Quand on lui a demandé pourquoi il l’avait fait. Il a répondu qu’il trouvait cela normal car nous prions tous le même Dieu ». En attendant de révolutionner les comportements, l’apaisement se ressent d’abord dans le cercle familial. « Les parents nous signalent une amélioration notable du comportement des enfants à la maison. Ils son moins agressifs et plus conciliants ».
Mireille Rolande Critié, trente ans, et les enfants, c’est le récit d’une exploration continue. Les droits de l’homme, en particulier ceux de l’enfant, sont la spécialité de la jeune femme. Elle les a côtoyés dans la détresse – dans la rue ou en prison – et depuis trois ans, elle tente de faire d’eux des citoyens. Dans les villages de la paix, « les enfants sont à l’école de la responsabilité », résume la jeune femme. « Je peux dire, souligne-t-elle le sourire aux lèvres, que j’ai une relation particulière avec 2 000 enfants (qui sont concernés aujourd’hui par le projet qu’elle coordonne). »
En Côte d’Ivoire, cette relation et ses villages de la paix interpellent. D’autres villes, comme Oumé et San Pedro, ont bénéficié de l’assistance technique du Cerap pour mettre en place des villages en dehors du projet qui reste limité en ressources. Fin 2010, l’expérience prendra fin. Mireille Critié Thobouet, elle, effectuera un travail de recherche qui aboutira à la réalisation d’un guide pédagogique sur la création d’un village de la paix. L’heureux bénéficiaire ? Le ministère ivoirien de l’Education nationale dans l’espoir que cette démarche citoyenne soit intégrée aux programmes scolaires. D’autant que le projet du Cerap fait des émules. Depuis cette année, le Tchad construit ses « villages de la paix » et le Burkina Faso commence à l’envisager.