La marche vers la RTI et la Primature annoncée par le Camp d’Alassane Ouattara n’a pas eu lieu, alors que Guillaume Soro avait réitéré son intention de prendre vendredi ces deux institutions aux mains de Laurent Gbagbo. La communauté internationale a accentué ses pressions pendant que la presse d’opposition a été interdite vendredi. Le président de la Commission de l’Union africaine a rencontré les deux camps à Abidjan dans la journée.
Craignant sans doute de risquer leur vie en vain, les Abidjanais pro-RHDP n’ont cette fois pas répondu au nouvel appel de Guillaume Soro. Le Premier ministre d’Alassane Ouattara, qui avait annoncé son intention de « marcher » sur la Radio Télévision ivoirienne et la primature vendredi est, lui, de nouveau resté cloîtré à l’hôtel du Golf. Un bâtiment, transformé en bunker, depuis lequel il avait assisté jeudi aux affrontements qui ont coûté la vie de 10 à 30 Ivoiriens. Laurent Gbagbo garde le contrôle de la RTI et la Primature.
Si les violences de jeudi n’ont pas eu l’écho redouté, la tension est toujours à son paroxysme à Abidjan. Vendredi, la capitale économique ivoirienne était quadrillée par les forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à Laurent Gbagbo. Ces dernières bloquaient toujours l’accès de l’hôtel du Golf, qui sert de quartier général au camp d’Alassane Ouattara et de son Premier ministre Guillaume Soro. Positionnés autour de l’établissement, les soldats refoulaient les véhicules et un char, canon pointé vers l’hôtel, avait été positionné. Cette situation d’extrême tension aurait déjà contraint plus de 4000 Ivoiriens à fuir le pays pour le Liberia et la Guinée, selon le Haut commissariat au réfugié (HCR) qui prévoit 5000 réfugiés dès la semaine prochaine.
La Communauté internationale a violemment réagi à la sanglante journée d’hier. Le chef de l’ONU Ban Ki-moon a estimé vendredi que la volonté de Laurent Gbagbo de se maintenir au pouvoir en Côté d’Ivoire conduirait à une « parodie de démocratie ».
La Russie, qui ne s’était jusque là pas officiellement exprimée, a appelé vendredi les parties en conflit à s’abstenir d’utiliser la force. « Nous sommes très préoccupés par cette montée de violence (…) et appelons résolument les parties ivoiriennes à s’abstenir de tout acte de violence », a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué. Moscou se prononce pour « la recherche d’une solution politique pacifique qui permettrait de débloquer la crise actuelle et trouver une formule de règlement pour assurer une réconciliation nationale », indique le communiqué.
La France, qui avait jeudi exclu toute « ingérence dans la politique intérieure ivoirienne », a vendredi ouvertement menacé Laurent Gbagbo. En déplacement à Bruxelles, son président Nicolas Sarkozy a lancé un ultimatum au Président ivoirien élu par le Conseil constitutionnel, l’appelant à quitter le pouvoir avant la fin de la semaine sous peine de voir son nom ajouté à la liste des personnes visées par des sanctions de l’Union Européenne (UE).
Jean Ping à Abidjan vendredi
L’UE, qui a réaffirmé sa « détermination à prendre des mesures ciblées contre ceux qui voudraient continuer à empêcher le respect de la volonté exprimée par le peuple ivoirien ». Dans une déclaration adoptée à l’issue du sommet de Bruxelles ce vendredi, les dirigeants des pays membres ont appelé « tous les dirigeants ivoiriens, tant civils que militaires, qui ne l’ont pas encore fait, à se placer sous l’autorité du président démocratiquement élu, Alassane Ouattara ».
Des menaces qui ne semblent pas atteindre Laurent Gbagbo. Muet depuis le début de la crise, il a décidé de museler la presse d’opposition, accentuant sa mainmise et son contrôle de l’information en Côte d’Ivoire. Vendredi à Abidjan, il était impossible de se procurer les journaux Le Patriote, Le Nouveau Réveil, Le Jour plus, L’Expression, Nord-Sud, Le Mandat, L’Intelligent d’Abidjan, et Le Démocrate. En signe de protestation, révèle l’association Reporters sans frontières (RSF), l’imprimerie Sud-Actions a refusé d’imprimer Le Nouveau Courrier et Le Temps, deux journaux acquis à la cause de Laurent Gbagbo. Les hommes de la Garde républicaine ont également enjoint au distributeur des journaux, Edipresse, de bloquer les journaux incriminés «jusqu’à nouvel ordre».
Porteurs d’un message du président en exercice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le Nigérian Goodluck Jonathan, le président de la Commission de l’UA, Jean Ping, qui a suspendu jeudi dernier la Côte d’Ivoire, s’est rendu vendredi à Abidjan en urgence. Accompagné du président de la commission de la Cedeao, James Viktor Gbeho, il s’est entretenu avec Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo. Une visite qui a peu de chance de réussir. « Il y a 10% de chances qu’elle aboutisse », assure une source au sein de l’UA.
Le face à face Gbagbo-Ouattara ne semble pas prêt de s’achever.