L’imbroglio politique vire au drame. Au moins six femmes ont péri ce jeudi à Abidjan, lors d’un rassemblement favorable à Alassane Ouattara, dispersé par les forces de sécurité fidèle au président sortant Laurent Gbagbo. L’ONU s’est dite préoccupée par la montée de la violence, qui a fait 50 morts en une semaine et plusieurs milliers de personnes déplacées. Elle s’est, par ailleurs, excusée mercredi auprès du Bélarus pour l’avoir accusé à tort d’avoir livré des hélicoptères de combat à Laurent Gbagbo.
Regain de violence à Abidjan. Au moins six femmes ont été tuées ce jeudi lors d’un rassemblement favorable au président reconnu par la communauté internationale, Alassane Ouattara, dans le quartier d’Abobo, où les forces de défenses et de sécurité (FDS) loyales au président sortant Laurent Gbagbo sont intervenues. Alors que des centaines de femmes scandaient les slogans «Gbagbo, dégage!», «On ne veut pas de Gbagbo !» et «Alassane président !», les FDS sont arrivées à bord d’un blindé et « au niveau du regroupement ont ouvert le feu», a rapporté un témoin. «Les six femmes ont été tuées sur le champ», a-t-il précisé. Plusieurs autres personnes ont été blessées. Leur nombre exact n’a pas encore été rendu public.
Des affrontements ont aussi éclaté hier matin entre les deux camps dans le quartier de Koumassi, dans le sud d’Abidjan, faisant deux morts. Ils ont été particulièrement sanglants la semaine dernière. Notamment jeudi et vendredi, à l’ouest d’Abidjan dans le quartier de Yopougon et pour la première fois à Yamoussoukro, la capitale politique du pays. Les Nations Unies (l’ONU) évoquent un bilan de 50 morts en une semaine et 356 depuis la mi-décembre et 200 000 qui auraient fui les combats à Abidjan.
L’ONU préoccupée
Face à ce constat, la Haut commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Navi Pillay, s’est dite ce jeudi « extrêmement préoccupée par l’escalade de la violence et la violation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire », dénonçant aussi les tirs des forces soutenant Laurent Gbagbo contre des soldats de la paix, lors de la présentation de son rapport annuel devant le Conseil des droits de l’homme à Genève. Selon elle, « les flambées de violences armées à Abidjan et dans l’ouest du pays menacent gravement les civils », estimant que le pays était confronté à « une crise humanitaire faisant fuir de nombreux civils ».
L’ONU doit aussi faire face à un nouveau coup de théâtre. Elle a reconnu mercredi qu’elle avait accusé à tort le Bélarus, un pays d’Europe de l’est, d’avoir livré des hélicoptères de combats à Laurent Gbagbo. Elle lui a présenté mercredi publiquement des excuses. « Bien sûr, il s’agit d’un incident malencontreux et le rapport est inexact », a déclaré le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, Alain Le Roy, au cours d’un point de presse à New York. « Je salue particulièrement le fait que les autorités du Bélarus ont reconfirmé leur plein respect de l’embargo ». Selon lui, elles ont vérifié qu’aucune compagnie privée biélorusse n’avait de contrat d’armement en Cote d’Ivoire. Elles ont d’ailleurs démenti dès lundi ces accusations, lorsque Ban Ki-moon, le secrétaire générale de l’ONU, avait annoncé la tenue d’une réunion urgente sur la question.
Les Etats Unis, qui craignent que la situation ne dégénère, ont recommandé mercredi à leurs ressortissants de ne plus se rendre dans le pays. « Outre l`instabilité politique actuelle née des élections contestées du 28 novembre 2010, le déclin rapide de l’économie et une crise bancaire risquent de provoquer une pénurie de carburant, de nourriture et d’autres ressources vitales », a averti le département d’Etat. « Tous les Américains sont encouragés à éviter de voyager en Côte d’Ivoire jusqu`à nouvel ordre », a-t-il ajouté.
RFI et BBC suspendues
Les médias ne sont pas épargnés par le conflit. Les radios publiques françaises et britanniques RFI et BBC ont été interdites d’émettre depuis mercredi par le Conseil national de communication audiovisuelle (CNCA), organe de régulation des médias en Côte d’Ivoire. La raison invoquée par le CNCA est le parti pris flagrant de ces radios en faveur du camp Ouattara, dont le but serait de provoquer la chute du régime de Laurent Gbagbo. Ce n’est pas la première qu’elles font l’objet d’une telle mesure. Elles avaient déjà toutes les deux écopées d’un mois de suspension l’année dernière. De même, après l’interdiction d’un journal pro-Ouattara par le Conseil national de la presse (CNP), présidé par le clan Gbagbo, huit quotidiens ont suspendu mardi leur parution pour protester contre les intimidations et brutalités policières dont ils feraient l’objet.
Face à la situation qui ne cesse de s’aggraver, le panel des chefs d’Etats africains s’est donné mardi un mois supplémentaire pour tenter de dénouer la crise, alors que la fin de sa mission était fixée à fin février. Il se réunira à nouveau vendredi à Nouakchott. Dirigé par le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, il a été créé en marge du dernier sommet de l’Union africaine fin janvier à Addis Abeba et a effectué une mission de deux jours la semaine dernière mais en était ressorti bredouille.
L’espoir de mettre un terme au conflit qui dure maintenant depuis trois mois s’amenuise chaque jour un peu plus.