La Commission ivoirienne d’enquête sur l’affaire des déchets toxiques a rendu son rapport au Premier ministre Charles Konan Banny, mercredi, à Abidjan. Le document d’une centaine de pages dresse la chaîne des responsabilités tant au niveau étatique que privé et épingle aussi la société hollandaise Trafigura, affréteur du Probo Koala.
La Commission ivoirienne d’enquête sur l’affaire des déchets toxiques a rendu son rapport, mercredi, à Abidjan, au Premier ministre Charles Konan Banny. Le document d’une centaine de pages, lu dans sa globalité à la presse, a vu le jour après deux mois de travaux. Il s’appuie notamment sur l’audition de 78 personnes physiques ou représentant l’une des structures soupçonnées d’implication dans ce scandale qui a coûté la vie à dix Abidjanais. Le rapport revient sur les faits et les procédures qui ont permis le déversement des déchets dans les quartiers d’Abidjan, dans la nuit du 19 au 20 août.
Nombreuses responsabilités
Surtout il dresse une longue chaîne de responsabilités. La commission regrette que les administrations en cause aient privilégié « l’intérêt particulier sur l’intérêt général » et dénonce les « insuffisances », le « manque de déontologie », la « gestion approximative » ou encore « la volonté manifeste » d’aller à l’encontre de la loi. Dans la ligne de mire, le port autonome d’Abidjan et plus particulièrement son directeur général, Marcel Gossio. Le port est accusé de « complicité notoire » pour avoir favorisé « le déversement des déchets » et le « départ d’Abidjan du Probo Koala », le bateau que la société hollandaise Trafigura avait affrété.
Trafigura est pour sa part épinglée pour avoir fait acheminer les produits toxiques en Côte d’Ivoire au mépris de la législation internationale, puisqu’elle « ne pouvait ignorer l’incapacité technique » du pays à s’en occuper. Quant à Tommy, le rapport estime qu’elle « est l’auteur principal du déversement des déchets » et « a toutes les apparences de la société écran créée » pour couvrir cette activité frauduleuse. A ce sujet, le gouverneur du district d’Abidjan, Pierre Amondji, le compte-rendu gouvernemental s’étonne de sa « surprenante indifférence » lorsque le Tommy a déversé les produits.
Le directeur général des douanes, Gnamien Konan, est jugé responsable de négligences dysfonctionnement de son service alors que le rapport reproche à la Direction de surveillance du territoire ainsi qu’à la gendarmerie et à la police du port leur manque de vigilance.
La Côte d’Ivoire prête à suivre les recommandations
Marcel Gossio, Pierre Amondji et Gnamien Konan sont tous trois suspendus de leurs fonctions depuis la mi-septembre. Autre sanction : celle du colonel Tibé Bi Ballou, ancien directeur général des affaires maritimes. Il est incarcéré entre autres pour n’avoir pas effectué d’enquête préalable sur le Probo Koala et remis au ministre des Transports, Anaky Kobena, un projet d’agrément des activités du bateau non conforme aux règles d’avitaillement, souligne le rapport. Le ministre des Transports est également incriminé, de même que ses confrères de l’Energie et des Mines et de l’Environnement, pour non respect des règles d’octroi d’agréments.
La Commission ivoirienne d’enquête recommande, entre autres, « l’adoption d’un audit organisationnel des structures citées, l’adoption de normes et procédures adéquates, la gestion professionnelle de ce type de déchets, l’instauration de la bonne gouvernance et la mise en place d’une structure de suivi desdites recommandations ». Le Premier ministre Charles Konan Banny a répondu que la Côte d’Ivoire ne devait pas être « la poubelle » de l’Afrique et assuré que le pays allait « suivre l’application des recommandations de conclusions de chacun des aspects de la question ». Reste à la justice de décider qui juger.