Côte d’Ivoire: pro-Gbagbo et pro-Ouattara responsables de crimes de guerre


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Le rapport 2011 d’Amnesty International sur la Côte d’Ivoire intitulé Ils ont regardé sa carte d’identité et l’ont abattu revient sur les exactions commises principalement à Abidjan et à Duékoué lors de la crise post-électorale. L’organisation de défense des droits de l’Homme qualifie les violences de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Elle accuse les deux camps. Elle pointe également un doigt accusateur sur la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) qui selon elle n’a rien fait pour protéger la population.

C’est une nouvelle qui pourrait embarrasser le nouveau chef d’Etat ivoirien, Alassane Ouattara. Celui-ci a ordonné une enquête judiciaire contre le président sortant, Laurent Gbagbo, qu’il veut faire juger, pour son implication dans les crimes et exactions commises lors de la crise post-éléctorale qui a ensanglanté la Côte d’Ivoire. Cependant, dans un rapport présenté mardi à la presse à Paris et intitulé Ils ont regardé sa carte d’identité et l’ont abattu, l’ONG Amnesty international soutient que ses troupes se sont rendues coupables de « crimes de guerre et crimes contre l’humanité ». Comme celles de Laurent Gbagbo.

Les principaux faits rapportés par l’ONG se sont déroulés à Abidjan et à Duékoué, à l’ouest du pays. Amnesty International qui a enquêté pendant neuf semaines a recueilli les témoignages d’une centaine de survivants du massacre perpétré le 29 mars dans cette ville. Alors que les derniers combattants pro-Gbagbo avait quitté la localité la veille dans la nuit, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FCRI) d’Alassane Ouattara y ont massacré des civils. Appuyées par des miliciens dozos, elles ont investi le quartier Carrefour peuplé par l’ethnie guéré, favorable au président sortant. Selon la Croix rouge, ces combattants auraient assassiné jusqu’à 817 personnes sans défense. Un chiffre qui pourrait être plus élevé, selon Amnesty international. L’Onu avait toutefois évoqué un bilan d’environ 330 tués.

Gaëtan Mootoo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest explique par exemple que les maisons appartenant aux ethnies Dioulas, Baoulés, ou encore Malinkés, jugées pro-Ouattara ont été épargnés durant les tueries. De leur côté, les forces de Laurent Gbagbo et les miliciens qui les secondaient procédaient à la vérification des pièces d’identité, pour isoler les membres de la tribu Dioula, celle d’Alassane Ouattara, et les tuer. Amnesty International évoque des « chasses » à l’homme jusque dans la « brousse africaine », avec l’aide de « chiens », les meurtres « systématiques » d’individus mâles. L’ONG parle aussi des viols commis tant par les partisans de Laurent Gbagbo que par ceux d’Alassane Dramane Ouattara. D’où l’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité à l’égard des deux camps.

La faillite de la mission de maintien de la paix de l’Onuci

Dans son rapport, Amnesty International critique vivement la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), pour son laxisme. Pour Salvatore Saguès, un autre chercheur sur l’Afrique de l’Ouest, le « pire aurait pu être évité » si les casques bleus déployés sur le territoire avaient rempli leur mission de protection de la population civile. Les forces des Nations unies et la forces française Licorne auraient laissé « des gens sans défense se faire tabasser sous leurs yeux ». Non loin du quartier Carrefour à Duékoué, lors des massacres, il y avait un détachement des casques bleus de l’Onuci, constitué d’environ 200 soldats marocains. Ceux-ci ne sont pas intervenus. A la question de savoir si l’Onuci a adopté une position partisane lors du conflit, Salvatore Saguès déclare qu’il est « difficile de répondre ». L’Onuci a fait preuve d’« incompétence, de négligence, pire peut-être », explique le chercheur. « Pour justifier leur absence, ils nous ont expliqué qu’ils étaient assiégés », explique Gaëtan Mootoo.

Cependant, des témoins ont fait observer que les combats avaient cessé le 29 mars au moment des massacres. Les soldats marocains qui ont quitté leur campement ce jour-là ont visité le camp de déplacés de la mission catholique de Duékoué, en roulant sans s’arrêter devant la zone de Carrefour. Selon le directeur d’Amnesty France, Stephan Oberreit, « Ils ont attendu le lendemain avant de se rendre à l’intérieur du quartier, aux côtés d’organisations humanitaires ». Le choix de l’Onuci, d’inhumer les victimes de la tuerie de Duékoué dans des fosses communes fait également l’objet de vives critiques.

Amnesty International indique enfin qu’en dépit de la fin du conflit, des anciens pro-Gbagbo sont toujours persécutés. L’ONG estime que la réconciliation nationale prônée par Alassane Ouattara doit passer par la tenue d’un « procès équitable » pour Laurent Gbagbo et sa femme. Elle souhaite aussi que tous les évènements qui se sont déroulés dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire depuis 2002 fassent l’objet d’une enquête judiciaire.

L’organisation appelle le nouveau président ivoirien à « au moins relever de leurs fonctions » toutes les personnes qui ont commis ou laisser commettre des exactions à Duékoué. Pour Amnesty international, « Le président Alassane Ouattara et son gouvernement doivent respecter leur promesse de lutter contre l’impunité et de faire en sorte que justice et réparation soient rendues à toutes les victimes quels que soient leur groupe ethnique et leur affiliation politique présumée ». Car, « si ces mesures ne sont pas mises en œuvre de manière prioritaire, l’avenir de la Côte d’Ivoire risque de replonger à nouveau dans un cycle de violations et d’atteintes aux droits humains impunies qui provoqueront tôt ou tard des appels à la vengeance et feront le lit de nouvelles violences. »

Le rapport intégral d’Amnesty International France sur la Côte d’Ivoire

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