La Commission électorale indépendante (CEI) a transmis, mardi dans la soirée, en direct sur la télévision publique ivoirienne, Rti 1, les résultats, région par région, de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Le souvenir de la crise à l’issue de l’élection de 2010 est encore très présent chez la population. Les cœurs sont encore meurtris. Beaucoup se sont battus ou se sont fait enrôler dans un camp comme dans l’autre. Alassane Ouattara, vainqueur avec 83,66% des voix, tentera de faire oublier définitivement cette guerre civile qui ne dit pas son nom.
De notre envoyé spécial à Abidjan,
« ADO est le meilleur Président que la Côte d’Ivoire ait jamais eu », selon celui qui se fait appeler « Barbe Blanche », au maquis d’Adamo, dans le quartier d’Adjamé, de la capitale économique ivoirienne, Abidjan. Les résultats sont proclamés en direct, ce mardi soir, sur la télévision. Pour une fois, aucune musique ne se fait entendre dans ce maquis à l’ambiance tamisée. « Le RHDP a fait plus de 90% à Adjamé », clame Adamo, au sein d’un quartier largement favorable au Président sortant, Alassane Ouatara. Il est le grand gagnant attendu de ce scrutin présidentiel.
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Le traumatisme de 2010
Autour d’une bouteille de vin rouge « Valpierre », la proclamation, département par département, des résultats de la Présidentielle de dimanche est l’occasion de ressasser les souvenirs de l’élection de 2010. « Barbes Blanche » explique comment il a vu un « dioula », originaire du nord du pays, se faire déchirer sa carte d’identité à quelques rues de là, par un milicien pro-Gbagbo du GPP, en le traitant de « Mossi », l’ethnie majoritaire au Burkina Faso. La guerre civile d’alors avait pris un tournant ethnique. Les ressortissants originaires du nord de la Côte d’Ivoire étaient la cible d’attaques à Abidjan des milices et de l’armée ivoirienne qui soutenaient le Président d’alors, Laurent Gbagbo, accusé de soutenir la rébellion.
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En avril 2011, dans la plus grande ville du pays, l’offensive des rebelles des Forces nouvelles, partie du nord de la Côte d’Ivoire, touchait à son but : le renversement du régime de Gbagbo. La bataille se concentrait alors dans la capitale économique ivoirienne. Les combats ont été particulièrement violents pendant 10 jours entre les pro-Ouattara d’un côté, l’armée et les milices pro-Gbagbo de l’autre. « Barbe Blanche » se rappelle des cadavres en putréfaction dans le quartier qu’il a fallu brûler car l’odeur devenait insupportable. Il se rappelle des « snipers angolais », des mercenaires au service de Laurent Gbagbo qui, contre 300 000 Fcfa par jour, ne faisait pas de quartier : « il y en avait un qui était posté sur le toit de la pharmacie, là-bas », dit-il en montrant du doigt.
L’enrôlement électoral
Quelques minutes plus tôt, il décrivait toutes les vexations dont étaient victimes les ressortissants du nord de la Côte d’Ivoire, très nombreux à Abidjan, notamment à Adjamé, de la part de ceux du sud. Au cours de la décennie de guerre civile en Côte d’Ivoire, de 2000 à 2010, les insultes, les dénigrements quotidiens en public sont allés en s’amplifiant. Il s’agissait de les montrer du doigt en tant que non-Ivoirien, de nationalité étrangère. Même entre amis, les « dioulas » pouvaient être la cible de remarques sur leur « ivoirité », « pour rigoler ». La bouteille de « Valpierre » finie, « Barbe Blanche » quitte le maquis avec un camarade, en silence.
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Aux alentours de 23h, ce mardi soir, les résultats de l’élection présidentielle sont proclamés. Alassane Ouattara obtient 83,66% des voix, devant Pascal Affi N’Guessan, le candidat du FPI, avec 9,29% des voix, suivi de Kouadio Konan Bertin avec 3,88%. Le taux de participation est finalement de 54,63%.
« Je voudrais féliciter le peuple ivoirien pour sa maturité et son comportement exemplaire. Nous tournons la page de la crise », déclare le Président, à l’issue de sa réélection. Le Président sortant a obtenu un score écrasant. De nombreuses irrégularités ont été constatées. L’enrôlement électoral de la population au profit du RHDP a fonctionné à plein régime, mais, pour une large partie de la population, l’essentiel n’est pas là. Alors que les pro-Gbagbo se sont largement abstenus, aucune violence n’est venue troubler la réélection annoncée de ADO.