Le gouvernement du Premier ministre ivoirien Jeannot Ahoussou Kouadio a été dissous ce mercredi par le président Alassane Ouattara en Conseil des ministres, selon la présidence. Les rumeurs allaient déjà bon train sur un éventuel remaniement ministériel au mois de novembre. Pour le moment, les raisons de cette mesure n’ont pas été précisées. On ignore également quand sera formé le nouveau cabinet. Michel Galy, politologue et sociologue, explique à Afrik.com les enjeux de cette dissolution.
Afrik.com : Expliquez-nous pourquoi Alassane Ouattara a soudainement décidé de dissoudre son gouvernement ?
Michel Galy : Les rumeurs sont contradictoires. C’est, peut-être, par soucis d’opérer une ouverture plus large dépassant les partis RDR (le parti au pouvoir, ndlr) et PDCI. Cette dissolution de son gouvernement intervient à la suite du vote négatif contre une loi sur la famille. Je pense que c’est anecdotique. Soit Alassane Ouattara veut récupérer le gouvernement pour son seul parti, soit il cherche à former un gouvernement d’ouverture au FPI (le Front populaire ivoirien, le parti de l’ancien président Laurent Gbagbo, ndlr). Rappelons que ce parti avait déjà refuser de figurer dans le gouvernement. Ce serait, de toute façon, une ouverture en trompe-l’œil, c’est-à-dire qu’elle profiterait à des individus qui sont des transfuges de petits partis flottants qui tentent toujours de négocier leur ralliement contre des postes ministériels ou des financements.
Afrik.com : Quels sont les enjeux de ce remaniement annoncé ?
Michel Galy : En cas d’ouverture, il donnera le ton de la nouvelle action politique du président Ouattara. Pour que les discussions soient engagées entre le parti au pouvoir et l’opposition, il faudrait une ouverture large et la libération des prisonniers politiques. Mais le changement de l’équipe ministérielle ne réglera pas la question de la situation de Laurent Gbagbo. Il s’agit de savoir s’il faut le réinsérer ou non dans le jeu politique.
Afrik.com : Comment fonctionne le pouvoir depuis l’investiture d’Alassane Ouattara ?
Michel Galy : On a affaire à une situation délétère. Entre 46 et 51% des Ivoiriens soutiennent toujours Laurent Gbagbo. Guillaume Sorro, qui a été écarté du gouvernement pour devenir président de l’Assemblée nationale, dirige toujours le pays. Il y a, par ailleurs, une rivalité entre l’ancien Premier ministre et le ministre de l’Intérieur. Donc, au sein même du gouvernement Ouattara se trouve une pluralité des centre de gravité du pouvoir. Sans compter de l’appui dont-il bénéficie de la part de l’Onuci (L’organisation des Nations unies en Côte d’Ivoire, ndlr) et de la fore Licorne.
Afrik.com : Qu’est-ce qu’il faut faire pour pacifier ce pays coupé en deux entre les pro-Ouattara d’un côté et les pro-Gbagbo de l’autre ?
Michel Galy : François Hollande fait pression pour une vraie réconciliation. Pour y parvenir, il faudrait libérer tous les prisonniers politiques. Selon le dernier rapport d’Amesty Internationnal, pas moins de 200 personnes sont détenues arbitrairement. Il faut, en outre, permettre le retour des exilés politiques, qui sont au nombre de 150 000. Ce sont des conditions nécessaires pour aboutir à une pacification en profondeur de la Côte d’Ivoire. Et, ce n’est pas sûr que Alassane Ouattara empruntera ce chemin…