Le Conseil constitutionnel a invalidé jeudi la proclamation de la victoire d’Alassane Ouattara sur Laurent Gbagbo faite ce même jour par la Commission électorale indépendante (CEI) et largement relayée par la presse étrangère. L’annonce de la CEI était intervenue dans l’après-midi, quelques minutes après l’intervention sur la chaîne de télévision publique du président du Conseil constitutionnel, Paul Yao N’Dré, qui avait déclaré que son institution se trouvait saisie « pour vider le contentieux et proclamer les résultats définitifs de l’élection présidentielle ». L’annonce des résultats et les déclarations du Conseil constitutionnel interviennent dans un climat tendu. Huit partisans d’Alassane Ouattara ont trouvé la mort mercredi.
Les résultats provisoires annoncés par la commission électorale ivoirienne et donnant Alassane Ouattara vainqueur de la présidentielle du 28 novembre ne sont pas valables, selon le président du Conseil constitutionnel, Paul Yao N’dré. En fin d’après-midi, la Commission électorale indépendante (CEI), qui n’avait pas respecté le délai imparti de trois jours pour annoncer les chiffres du second tour, les avait proclamés par la voix de son président, Youssouf Bakayoko. La presse française, notamment France 24 et RFI, a alors annoncé que le président Youssouf Bakayoko avait indiqué qu’Alassane Ouattara avait remporté le scrutin avec 54,10% des suffrages, contre 45,9% pour le président sortant.
L’information délivrée par Youssouf Bakayoko, qui a été évacuée par les Casques bleus après son intervention selon Libération, a surpris les journalistes et les Ivoiriens qui ne l’avaient pas sur les médias nationaux. La télévision publique (RTI) diffusait alors la déclaration du président du Conseil constitutionnel Paul Yao N’Dré, nommé par le Président Laurent Gbagbo. Souhaitant « préciser » les rôles de la CEI et du Conseil constitutionnel dans le processus électoral, le responsable ivoirien a indiqué : « Dans le cas d’espèce, la CEI devait proclamer les résultats provisoires le mercredi 1er décembre 2010 à minuit au plus tard. Pour cause de divergence portant sur les résultats de certaines régions, le CEI n’a pu donner des résultats provisoires. Le Conseil constitutionnel, chargé du contentieux en matière d’élection présidentielle, se trouve saisi pour vider le contentieux et proclamer les résultats définitifs de l’élection présidentielle ». Le président du Conseil constitutionnel a également voulu rassurer « le peuple ivoirien et la communauté internationale » sur le fait « qu’il n’y a aucun vide juridique en la matière ». De même, il a indiqué que « les résultats définitifs de l’élection présidentielle » seraient proclamés « dans les délais légaux » et que « des requêtes en contestation avaient été introduites ».
Le Conseil constitutionnel examinera les réclamations
Le Conseil constitutionnel est en charge de l’examen des contentieux électoraux qui lui sont communiqués dans un délai de trois jours après les opérations de vote. « Le Conseil constitutionnel, après examen de la requête, statue dans les sept jours de sa saisine. Toutefois, il peut, sans instruction contradictoire préalable, rejeter les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs manifestement sans influence sur l’élection contestée », précise le Code électoral ivoirien dans son article 61. « L’examen des réclamations éventuelles est effectué par le Conseil constitutionnel dans les sept jours à compter de la date de réception des procès-verbaux », poursuit-il dans l’article suivant (62).
Youssouf Bakayoko et Paul Yao N’Dré sont intervenus ce jeudi alors que la tension est montée d’un cran la veille avec la prorogation du couvre-feu jusqu’à dimanche et la mort de huit partisans du candidat Alassane Ouattara, président du Rassemblement des républicains et candidat du Rassemblement des houphouétistes pour la paix (RHDP) dans le quartier de Yopougon. Les Forces de sécurité auraient riposté à des tirs d’armes automatiques aux environs de 22h après avoir reçu un appel anonyme leur demandant de se rendre sur les lieux, selon la version du chef d’Etat major des Forces armées ivoiriennes, le général Philippe Mangou. Il s’exprimait ce jeudi sur les antennes de la télévison publique ivoirienne. Il a reconnu que l’intervention avait fait quatre morts, 14 blessés et avait donné lieu à 9 interpellations. Une enquête a été ouverte a indiqué l’officier ivoirien. Ce jeudi matin, c’était au tour de la maison de La majorité présidentielle (LMP) du candidat Laurent Gbagbo d’être attaquée par des jeunes.
Des militants du RHDP tués
Toute la journée de mercredi, les Nations Unies avaient exhorté la CEI a publier les résultats. D’autant que dans la matinée, l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) avait annoncé la transmission au siège central de la CEI « l’intégralité des procès verbaux des 10 000 centres de vote, passés auparavant par les 326 commissions électorale locales, les 326 commissions sous-préfectorales, les 70 commissions départementales et les 19 commissions régionales », rapporte le centre des nouvelles des Nations unies. Après l’expiration à minuit du délai imparti à la CEI pour publier les résultats, le secrétaire général des Nations unies Ban-Ki Moon l’a de nouveau invité à proclamer les résultats « sans délai ». Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d’Ivoire, Young-Jin Choi a rencontré ce jeudi, le Président du Conseil Constitutionnel Paul Yao N’Dré et le Ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro.
Quelques heures avant minuit, ce mercredi, Youssouf Bakayoko, le président de la CEI s’était exprimé sur les antennes publiques pour indiquer que le travail de consolidation des résultats se poursuivait. « Nous avons travaillé à faire en sorte que la paix revienne au sein de la Commission et nous continuons de faire ce travail. C’est pourquoi, je vous dis que nous sommes en train de poursuivre nos délibérations. Lesquelles délibérations vont être acquises par consensus », indiquait-il.
Déroulement « satisfaisant » du second tour
Le camp présidentiel, par la voix de Pascal Affi N’Guessan, avait déjà indiqué qu’il contestait le résultat des urnes, notamment dans la région CNO (Centre-Nord-Ouest). « Nous nous battrons jusqu’au bout pour que les résultats du vote dans la Vallée du Bandama, dans la région des Savanes, dans le Denguélé et dans le Worodougou soient invalidés, de manière à ce que le résultat reflète la volonté des Ivoiriens », a réitéré mercredi le porte-parole du Président Gbagbo. De son côté, le RHDP lançait un appel pour la publication immédiate des résultats. « Il est impératif que le président de la CEI (Commission électorale indépendante) proclame immédiatement les résultats provisoires », a affirmé Alassane Ouattara.
Pour les observateurs internationaux et de l’Union africaine, le second tour des présidentielles en Côte d’Ivoire s’est globalement bien déroulé. « La mission d’observation de l’Union africaine juge globalement satisfaisant le déroulement du second tour de l’élection du président de la République », a indiqué mardi Joseph Kokou Koffigoh, ancien Premier ministre togolais et responsable de la mission.