Alassane Ouattara s’est largement fait réélire avec un taux de 83,66% lors de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Plus de la moitié des électeurs ivoiriens se sont déplacés pour participer à la victoire écrasante du Président sortant. L’opposition apparaît décomposée.
De notre envoyé spécial à Abidjan,
La victoire d’Alassane Dramane Ouattara dès le premier tour, attendue par l’ensemble de la population ivoirienne, a été annoncée, mardi soir, par la Commission électorale indépendante (CEI), en direct, sur la télévision publique Rti 1. Quels sont les enseignements de ce scrutin ?
Un ras-le-bol de la crise
Ainsi, près de 54,63% des électeurs se sont rendus aux urnes, dimanche dernier, bien loin des près de 80% de participation à l’élection de 2010. Il y a eu néanmoins beaucoup plus de votants que lors des élections précédentes. En 2000, dans un contexte de crise, alors que la candidature d’Alassane Ouattara et d’Henri Konan Bédié avaient été interdites, Laurent Gbagbo s’était fait élire avec 33% des voix. Beaucoup d’Ivoiriens sont allés voter pour mettre fin à la crise en préférant le statu quo plutôt que le retour de l’opposition des pro-Gbagbo perçue aujourd’hui par une large partie de la population comme un facteur de violence. Alors que le premier taux de participation annoncé par la CEI était de 60%, il est finalement de plus de cinq points plus bas. Il reste suffisant pour légitimer la victoire de ADO, tant sur le plan national qu’aux yeux de la communauté internationale. Sa stature de Président sortant a certainement pu influencer les électeurs, de même que son omniprésence dans les médias ivoiriens grâce à une campagne médiatique entreprise depuis des mois avec un budget de plus de 10 milliards de FCFA.
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Une partie de la population entre peur et désillusion
C’est en grande majorité l’électorat le plus fidèle à Laurent Gbagbo lors du scrutin de 2010 qui a décidé de s’abstenir, comme pour rester dans l’ombre de l’ancien Président emprisonné par la Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas. Aujourd’hui, ils ont perdu leur champion et aucune des personnalités de l’opposition qui se battent pour l’héritage de l’ex-Président n’est réellement en mesure de le remplacer dans l’imaginaire des Ivoiriens et de porter ses idées. L’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, porté par la rébellion des Forces nouvelles en 2010, est encore dans toute les mémoires et des armes légères sont toujours en circulation parmi la population. Défendre Gbagbo en public n’est pas chose aisée en Côte d’Ivoire. Une politique de rattrapage ethnique mise en place par le pouvoir du Président Ouattara qui ne dit pas son nom et une perte totale de poids sur la scène politique a achevé de décevoir les anciens partisans du « Woody de Mama ». Le sud du pays, où l’électorat était acquis à l’ancien Président, a connu des taux d’abstention supérieurs à la moyenne nationale de 54,63%.
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L’électorat fidèle à Ouattara a répondu présent
Une chose est sûr à l’issue de cette élection, les partisans d’Alassane Ouattara ont répondu présent dans tout le pays. Au nord, ADO a connu des scores supérieurs à l’élection de 2010. Ils ont réussi à amener la quasi-totalité de la population à se rendre aux urnes pour voter pour leur candidat par tous les moyens. Le Rassemblement des Républicains (RDR), le parti de l’actuel Président, est particulièrement développé dans ces régions du nord. La région du Folon, où naquit sa mère, a voté à 99,63% pour ADO, tandis qu’il a obtenu 99,26% des voix dans celle du Worodougou. Dans 9 des 31 régions de la Côte d’Ivoire, celles du nord-est, le Président sortant à obtenu plus de 96% des voix. Sa popularité n’a jamais été aussi forte.
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Une alliance qui a fonctionné
Le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), qui devrait se transformer à l’issue de l’élection en parti politique, a fonctionné. Au sein du RHDP, le PDCI s’est allié avec le parti de Ouattara, le RDR, dès le premier tour de l’élection, après « l’appel de Daoukro » lancé par le chef de l’ancien parti unique, Henri Konan Bédié. Cette alliance politique a permis à l’actuel Président d’obtenir les voix du Centre de la Côte d’Ivoire, acquis au parti d’Houphouët-Boigny. Alors que le FPI est en proie à la division, que le RDR où cohabitent plusieurs tendances politiques, va se chercher un successeur à Alassane Ouattara dans les prochaines années, le PDCI affiche son unité malgré les candidatures dissidentes qui n’ont obtenu que très peu de voix.
Une opposition décomposée
« Le FPI a été non seulement perdant dans les urnes, mais a aussi été démantelé politiquement, financièrement et judiciairement, puisque nombre de ses dirigeants ont été arrêtés, leurs comptes également bloqués », à l’issue de la crise de 2010, expliquait le professeur Richard Banégas aux lecteurs d’AFRIK.COM. Ce sont tous ces facteurs qui semblent expliquer le score de 9,29% obtenu par le candidat du Front populaire ivoirien (FPI). Le parti est en plus en proie à une scission entre les partisans de Pascal Affi N’Guessan qui a entrepris de reprendre le dialogue avec le pouvoir et ceux rassemblés autour d’Aboudramane Sangaré, considérés comme des « Gbagbo ou rien » qui gardent une ligne radicale. Celui qui est l’un des créateurs du FPI et un compagnon de route de la première heure de Laurent Gbagbo a appelé au boycott du scrutin. La population ivoirienne s’est largement abstenue mais elle ne semble pas avoir répondu à cet appel. Les électeurs ont plutôt rejeté une opposition de façade qui n’a aucune crédibilité politique. Les candidats Charles Konan Banny et Essy Amara, dissidents du PDCI, ainsi que Mamadou Koulibaly chef du Lider et ancien du FPI n’ont pu que se retirer au cours d’une course où l’électorat n’a manifestement pas répondu présent. Kouadio Konan Bertin, le dernier dissident du PDCI a maintenu sa candidature sans succès en n’obtenant que 3,88% des voix. Entre les difficultés financières, le manque d’investissement et une critique tardive du processus électoral, ces personnalités apparaissent isolées sur la scène politique ivoirienne.
Une volonté d’émergence ?
« Allons seulement » était un des slogans de campagne d’Alassane Ouattara. Même si certaines irrégularités ont été constatées au cours de cette élection où l’opposition n’était presque pas représentée, il apparaît que le président de la République de Côte d’Ivoire pour encore 5 ans bénéficie d’une large assise populaire parmi la population. Il s’agit maintenant de prouver aux Ivoiriens que cette réussite économique du pays bénéficie à sa population. Après avoir réussi à sortir son pays de la crise, Alassane Ouattara doit maintenant le sortir de la pauvreté.