Mercredi 5 juin 2024, les autorités ivoiriennes ont procédé à la remise tant attendue de quatorze corps de victimes de la crise post-électorale de 2010-2011 à leurs familles.
Cette crise, marquée par de violents affrontements suite à la contestation de la victoire d’Alassane Ouattara par Laurent Gbagbo, a causé près de 3 000 morts. La cérémonie de restitution, sobre et émotive, s’est tenue dans la principale morgue d’Abidjan. Pour la circonstance, deux corps ont été exposés dont un civil et un fonctionnaire de la police nationale.
Les familles en quête de clôture
Pour les familles des victimes, l’attente a été longue et pénible. Niogé Ouattara, père d’une des victimes, a partagé sa douleur : « Quand vous perdez quelqu’un et que vous ne savez même pas où vous l’avez enterré… elle était enterrée dans une fosse commune. Ils sont allés faire des tests ADN, ils l’ont retrouvée et restituée aujourd’hui, c’est une bonne chose que je puisse l’enterrer dignement. » Ces mots résonnent profondément parmi les proches des victimes, dont l’un a révélé l’importance de cette démarche pour permettre enfin de faire le deuil : « Nous étions dans l’incertitude et angoissés à l’annonce de cette nouvelle, car nous n’avons jamais espéré recevoir le corps de nos parents disparus dans cette crise post-électorale. Nul n’ignore que l’âme d’un corps qui n’est pas encore enterré ne peut reposer en paix. »
Obstacles juridiques et administratifs
En 2013, le gouvernement ivoirien avait lancé une campagne d’exhumation à Abidjan pour identifier les corps des victimes de la crise. Cependant, ces corps ont été retenus pour des raisons juridiques et administratives. Myss Belmonde Dogo, ministre de la Cohésion nationale, a expliqué : « Ces quatorze corps ont été conservés après la crise post-électorale de 2010-2011, pour nécessité d’enquête et l’identification. Cette phase administrative et judiciaire ayant connu son dénouement, l’État de Côte d’Ivoire a décidé de procéder à la remise de ces corps aux familles endeuillées. »
Un geste de soutien
Chaque famille a reçu un chèque de 1 500 000 francs CFA (environ 2 200 euros) en guise de soutien de la part du gouvernement « pour leur permettre de faire les obsèques », a indiqué la ministre Dogo au terme de la cérémonie. L’Etat accompagne également depuis 2013 les enfants des victimes pour la prise en charge scolaire. Bien que cette aide ne puisse effacer la douleur, elle a appelé à la réconciliation : « L’aide de l’État ne pourra pas effacer votre peine, mais je vous demande de pardonner, pour faire de notre pays un havre de paix. »
Des restitutions en cours
À ce jour, 47 corps ont été restitués dans la région du Cavally, à l’ouest du pays. Six autres corps doivent encore être remis aux familles dans la ville de Duékué dans les semaines à venir. La ministre a indiqué que d’autres corps ont été récupérés par les familles en dehors de l’initiative de l’État, tandis que certains n’ont pas encore été identifiés. Les corps qui n’ont pas pu être identifiés seront ensevelis soit dans les stèles soit dans les endroits bien indiqués par la justice de Côte-d’Ivoire.
Cette restitution marque un pas significatif vers la guérison des blessures laissées par la crise électorale de 2010-2011. Pour les familles des victimes, recevoir les corps de leurs proches permet de clore un chapitre douloureux de leur histoire personnelle et nationale. La Côte d’Ivoire, en avançant vers la réconciliation, espère bâtir un avenir de paix et de cohésion sociale.