Laurent Gbagbo s’est rendu au domicile de son homologue Henri Konan Bédié, ce samedi, à Daoukro. Une rencontre éminemment politique et à haute portée symbolique.
Samedi 10 juillet 2021, Laurent Gbagbo se rend chez le Sphinx de Daoukro, Henri Konan Bédié, dans son fief, pour une visite historique, placée sous le signe de la réconciliation nationale. À ses côtés, son épouse, Nady Bamba, et des cadres du FPI-GOR. Henriette Bédié et des dignitaires du plus grand parti d’opposition en Côte d’Ivoire étaient également de la partie. Fidèle à ses habitudes de tribun, Laurent Gbagbo a tenu l’assistance en haleine pendant une trentaine de minutes, comme il l’avait fait chez lui, à Mama, deux semaines plus tôt. Au cœur de cette visite, la politique, comme le dit clairement Laurent Gbagbo lui-même. « Est-ce que Laurent Gbagbo peut rencontrer Henri Konan Bédié sans que ce soit de la politique ? », s’interroge-t-il. Aussi, les questions politiques seront-elles au cœur des propos tenus par le Woody de Mama, hier, à Daoukro.
Au cours de son intervention, le Président Gbagbo a abondamment remercié son ancien ennemi juré pour lui avoir rendu visite en Belgique en 2019, après son acquittement. « Quand tu es au trou, celui qui vient te saluer est ton frère », a déclaré Laurent Gbagbo, faisant observer à l’occasion que la visite à Henri Konan Bédié est un « acte de réconciliation et un acte de reconnaissance ».
Pour Laurent Gbagbo, le secret de la véritable réconciliation demeure dans la capacité à se dire la vérité : « Il faut se dire les vérités au moment où il faut se les dire, il faut se dire les vérités qui soignent, pour guérir, pas comme des bravades qui peuvent blesser », a-t-il martelé.
Comme on pouvait s’y attendre, Laurent Gbagbo n’a pas éludé la question de la dernière Présidentielle en Côte d’Ivoire. « Mais quel spectacle donnons-nous au monde ? », se demande l’ancien Président, évoquant les violences qui ont jalonné le processus électoral et qui ont fait près de 90 victimes. « Si on ne veut pas que le pays brûle, on doit respecter ce qui est écrit », dit un Laurent Gbagbo resté égal à lui-même. Puis dans le style ironique qu’on lui connaît assez bien, il ajoute : « On peut décider que n’avons aucune Constitution et vivre comme ça. Mais si nous avons une Constitution, il faut se battre pour être du côté de la Constitution. Respecter les textes, respecter les êtres humains ».
Vers une alliance PDCI-FPI
Les premiers pas en vue de la naissance d’une alliance entre les deux hommes et leurs formations politiques respectives sont ainsi posés. Il n’est pas exclu qu’ils joignent leurs forces pour les prochaines joutes électorales en Côte d’Ivoire, surtout que l’expérience avait déjà été faite dans certaines circonscriptions au cours des dernières législatives. « On ne peut pas l’exclure. C’est une alliance pour le bien de la Côte d’Ivoire, pas contre quelqu’un », a confié à l’AFP, Antoni Garou, député-maire pro-Gbagbo d’Ouragahio.
Cette visite vient sonner le glas d’une rivalité historique entre les deux hommes. On se rappelle qu’en 1999, Laurent Gbagbo avait applaudi le coup d’État perpétré par le général Robert Guéï contre Henri Konan Bédié. Plus de dix ans plus tard, le Sphinx de Daoukro avait soutenu Alassane Ouattara contre Laurent Gbagbo, à la Présidentielle 2010. Lors de la crise consécutive à cette élection, Henri Konan Bédié est allé jusqu’à déclarer, au cours d’une interview accordée à Jeune Afrique : « Il (Laurent Gbagbo, ndlr) était le véritable donneur d’ordres ; à ce titre, il devra rendre des comptes », donnant clairement sa caution au transfèrement de Laurent Gbagbo à la CPI.